«  Suis-je un héros suis-je un lâche r Dois-je me mépriser moi-même, ou ai-je réellement droit à ma propre estime ? Et, puisque j'ai si grand désir d'obtenir à ces questions une réponse catégorique, pourquoi ne vais-je pas me confesser à un tiers, à un ami ? Non, je sens que nul si dévoue me fût- il, si franche que fût ma révélation de conscience ne me jugerait aussi équitablement que je puis le faire moi seul, car seul je me connais, seul je puis m'avouer, à moi-même, ce qu'on n'avoue à personne, même au confident le plus intime, même au prêtre. Au plus profond de notre être, il est des recoins secrets que l'oeil le plus exercé, voire le mieux dirigé par l'aveu, ne sait pas scruter, parce que l'examen se complique nécessairement d'une longue expérience qui fait défaut à l'expert occasionnel.
Qui veut juger la conscience d'autrui la juge d'après la sienne propre. En vain essaierait-il de se dégager de sa personnalité spéciale l'égotisme est une force à laquelle nulle impartialité ne résiste, et tout homme à qui vous posez ce problème « Étant données telles ou telles circonstances, ai-je bien agi en faisant ce que j'ai fait ? » y substitue celui-ci : « Aurais-je agi ainsi à sa place » ?

Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62842t/f157