L'intention juge nos actions
Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2009-06-28
Lu par Vincent Planchon
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l'Intention Juge nos Actions
La mort, dit-on, nous acquitte de toutes nos obligations. Mais j'en connais qui ont vu les choses autrement.
Henri VII, roi d'Angleterre, s'entendit avec Dom Philippe, fils de l'Empereur Maximilien (ou encore, en termes plus flatteurs, père de l'Empereur Charles-Quint) en ces termes: Philippe remettrait entre ses mains le Duc de Suffolk de la Rose Blanche, son ennemi, qui s'était enfui et réfugié aux Pays-Bas, moyennant quoi lui, Henry, promettait de n'attenter en rien à la vie du Duc. Mais quant sa mort approcha, il ordonna par testament à son fils de le faire mourir aussitôt que lui même serait décédé.
Dernièrement, dans cette tragédie que le Duc d'Albe nous fit voir à Bruxelles, concernant les Comtes de Horn et d'Egmont, il y eut bien des choses remarquables; et entre autres le fait que ledit Comte d'Egmont, sur la parole et l'assurance duquel le Comte de Horn était venu se rendre au Duc d'Albe, demanda avec insistance qu'on le fît mourir en premier, afin que sa mort l'affranchisse de l'obligation qu'il avait envers le Comte de Horn.
Il semble que la mort ne libérait pas le roi d'Angleterre de la parole qu'il avait donnée, et que le Comte d'Egmont lui, en eût été quitte même sans mourir.
Nous ne pouvons être liés par un serment au-delà de nos forces et de nos moyens, pour la bonne raison que les faits et les actes ne dépendent pas de nous et qu'il n'est rien qui soit vraiment en notre pouvoir que la volonté : c'est sur elle que se fondent et s'établissent nécessairement toutes les règles concernant les devoirs de l'homme.
Ainsi le Comte d'Egmont qui maintenait son esprit et sa volonté engagés par sa promesse, alors même qu'il n'était pas en son pouvoir de la réaliser, était-il sans aucun doute absous de son devoir, quand bien même il eût survécu au Comte de Horn. Mais le roi d'Angleterre, lui, manquant volontairement à sa parole, ne peut trouver d'excuse dans le fait d'avoir retardé jusqu'après sa mort l'exécution de son plan déloyal. Pas plus que le « maçon » dont parle Hérodote2
, qui avait loyalement conservé durant toute sa vie le secret des trésors du Roi d'Egypte son maître, mais qui, au moment de mourir, le révéla à ses enfants.
J'ai vu plusieurs hommes de mon temps, qui détenaient des biens appartenant à d'autres et tourmentés par leur conscience, se disposer à soulager celle-ci par leur testament et après leur décès. Ils ne font là rien qui vaille, ni en repoussant à plus tard une chose si urgente, ni en voulant réparer un tort avec si peu de regret et de dommage pour eux-mêmes. Ils doivent y mettre plus du leur. Et plus le paiement sera pénible et gênant, plus leur satisfaction sera juste et méritoire. La pénitence veut qu'on ait un poids à porter.
Et ceux-là font encore bien pire, qui attendent jusqu'à leur dernier souffle pour avouer leur haine envers un de leurs proches, après l'avoir cachée leur vie durant. Ils montrent qu'ils ne se soucient guère de leur honneur, en suscitant ainsi chez l'offensé l'irritation envers leur propre mémoire; et qu'ils ont encore moins le souci de leur conscience, n'ayant pas su respecter la mort elle-même en faisant mourir leurs mauvaises dispositions avec eux, et en étendant au contraire la vie de leur ressentiment au-delà de la leur.
Je prendrai garde, si je le puis, que ma mort ne dise quelque chose que ma vie n'ait d'abord dite ouvertement.
La mort, dit-on, nous acquitte de toutes nos obligations. Mais j'en connais qui ont vu les choses autrement.
Henri VII, roi d'Angleterre, s'entendit avec Dom Philippe, fils de l'Empereur Maximilien (ou encore, en termes plus flatteurs, père de l'Empereur Charles-Quint) en ces termes: Philippe remettrait entre ses mains le Duc de Suffolk de la Rose Blanche, son ennemi, qui s'était enfui et réfugié aux Pays-Bas, moyennant quoi lui, Henry, promettait de n'attenter en rien à la vie du Duc. Mais quant sa mort approcha, il ordonna par testament à son fils de le faire mourir aussitôt que lui même serait décédé.
Dernièrement, dans cette tragédie que le Duc d'Albe nous fit voir à Bruxelles, concernant les Comtes de Horn et d'Egmont, il y eut bien des choses remarquables; et entre autres le fait que ledit Comte d'Egmont, sur la parole et l'assurance duquel le Comte de Horn était venu se rendre au Duc d'Albe, demanda avec insistance qu'on le fît mourir en premier, afin que sa mort l'affranchisse de l'obligation qu'il avait envers le Comte de Horn.
Il semble que la mort ne libérait pas le roi d'Angleterre de la parole qu'il avait donnée, et que le Comte d'Egmont lui, en eût été quitte même sans mourir.
Nous ne pouvons être liés par un serment au-delà de nos forces et de nos moyens, pour la bonne raison que les faits et les actes ne dépendent pas de nous et qu'il n'est rien qui soit vraiment en notre pouvoir que la volonté : c'est sur elle que se fondent et s'établissent nécessairement toutes les règles concernant les devoirs de l'homme.
Ainsi le Comte d'Egmont qui maintenait son esprit et sa volonté engagés par sa promesse, alors même qu'il n'était pas en son pouvoir de la réaliser, était-il sans aucun doute absous de son devoir, quand bien même il eût survécu au Comte de Horn. Mais le roi d'Angleterre, lui, manquant volontairement à sa parole, ne peut trouver d'excuse dans le fait d'avoir retardé jusqu'après sa mort l'exécution de son plan déloyal. Pas plus que le « maçon » dont parle Hérodote2
, qui avait loyalement conservé durant toute sa vie le secret des trésors du Roi d'Egypte son maître, mais qui, au moment de mourir, le révéla à ses enfants.
J'ai vu plusieurs hommes de mon temps, qui détenaient des biens appartenant à d'autres et tourmentés par leur conscience, se disposer à soulager celle-ci par leur testament et après leur décès. Ils ne font là rien qui vaille, ni en repoussant à plus tard une chose si urgente, ni en voulant réparer un tort avec si peu de regret et de dommage pour eux-mêmes. Ils doivent y mettre plus du leur. Et plus le paiement sera pénible et gênant, plus leur satisfaction sera juste et méritoire. La pénitence veut qu'on ait un poids à porter.
Et ceux-là font encore bien pire, qui attendent jusqu'à leur dernier souffle pour avouer leur haine envers un de leurs proches, après l'avoir cachée leur vie durant. Ils montrent qu'ils ne se soucient guère de leur honneur, en suscitant ainsi chez l'offensé l'irritation envers leur propre mémoire; et qu'ils ont encore moins le souci de leur conscience, n'ayant pas su respecter la mort elle-même en faisant mourir leurs mauvaises dispositions avec eux, et en étendant au contraire la vie de leur ressentiment au-delà de la leur.
Je prendrai garde, si je le puis, que ma mort ne dise quelque chose que ma vie n'ait d'abord dite ouvertement.
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