En songe ou en folie
Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2008-01-29
Lu par Emmanuel BOURDAUD
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Emmanuel BOURDAUD
Né de pas grand chose certainement pour arriver pas loin de nulle part, mon physique désavantageux (cf avatar) m'oblige à expérimenter des techniques alternatives pour rentrer en contact avec mon prochain, si ce n'est mon suivant, sans parler de mon précédent, mon dernier étant... l'écriture, vous l'avez bien deviné, vous avez gagné le droit de me lire (tu parles d'un cadeau !).
Donc j'écris pour aller au contact . Parfois, cela fait des étincelles, mais ce n'est jamais très grave : nous sommes dans la grande farce de la vie.
Dédicace
Ce texte est dédié à mon épouse adorée.
Je t'aime.
Né de pas grand chose certainement pour arriver pas loin de nulle part, mon physique désavantageux (cf avatar) m'oblige à expérimenter des techniques alternatives pour rentrer en contact avec mon prochain, si ce n'est mon suivant, sans parler de mon précédent, mon dernier étant... l'écriture, vous l'avez bien deviné, vous avez gagné le droit de me lire (tu parles d'un cadeau !).
Donc j'écris pour aller au contact . Parfois, cela fait des étincelles, mais ce n'est jamais très grave : nous sommes dans la grande farce de la vie.
Dédicace
Ce texte est dédié à mon épouse adorée.
Je t'aime.
Emmanuel BOURDAUD
En songe ou en folie
Je te regarde, mon amour, ma belle, mon ange, et je t'aime plus que la vie. Je me souviens de toi et de tes yeux bondissants, tes petites rides de sourire en leur coin, dans ton visage si vivant, autrefois. J'entends ta voix, si puissante, si épaisse, dans le silence et dans l'absence, dans la tristesse et dans la liesse. C'était hier, ou avant-hier, et là, je n'ai plus que tes yeux, égarés, souffrants, fous de colère et de suppliques. Comment faire, mon cœur, comment faire. Ne pas faire, ne pas vivre, ne pas oublier.
Je n'ai plus que tes yeux des jours atroces, le reste, ce n'est plus toi, ce n'est plus toi, juste du parchemin tout fin, tout fin, craquelé, caricature de ta peau, elle était douce, ta peau, elle était douce. Un drap de soie, dans lequel j'aimais par-dessus tout, m'enfouir, m'enfuir du monde si rugueux, face auquel je me retrouve seul, désormais, seul et désarmé, sans ta douceur infinie, sans ta rage de vivre, celle qui abolit nos propres frontières. Mes frontières, celles que tu as dynamitées, déconstruites… Liberté, c'était toi, ma liberté…
M'entends-tu, mon amour, m'entends-tu ? Et si tu m'entends, me comprends-tu ? Il n'y a plus que tes yeux fous, et moi, qui suis fou de toi, auprès de ton corps éteint, il me fait peur, ce corps désincarné, mou, achevé. Tu ne peux même plus sentir ma main sur la tienne, ni mes baisers sur tes lèvres, ni ma joue contre ta joue. Alors ? Je me souviens aussi des cabrioles de ton esprit flamboyant, qui m'a tant de fois retourné les synapses… Ah ! Toutes ces grenades dégoupillées que tu me balançais comme si de rien, et qui m'explosaient à l'intérieur, champ de ruines sur lequel poussait toutes ces fleurs aux couleurs impossibles, champ de fleurs, chant d'amour et de vie, loin de tous ces bâtiments préfabriqués, qu'on aime tant disposer sagement, proprement, dans notre tournoyance incessante. Adieu préfas ! Adieu constructions symboliques et vaines ! Comment te remercierais-je assez, ma superbe garce, pour tous ces éclatants cadeaux ?
Je t'aime, je t'aime, mais tu n'es plus là, ma belle, mon ange, mon amour. Plus vraiment, moins qu'à moitié, à dix pour cent peut-être, disent les médecins statisticiens omniscients. Dix pour cent de toi, une lueur dans un regard, un cerveau fonctionnant par accès souffreteux et boitillants. Je t'aime, tu le sais, je te l'ai dit cent millions de fois au moins, et pensé encore plus, le double ou le triple sans doute, ressenti en permanence. Mon inconnue mille fois connue et oubliée, renouvelée tous matins, quand tu sortais de ta chrysalide aux aurores. Je t'aime, mais tu n'est plus là qu'à dix pour cent peut-être. Accident. Cérébral. Anévrisme. Trois mots stupides qui résonnent et qui s'entrechoquent en moi comme au billard.
Je ne saurais dire à quelle proportion je suis encore en vie. Plus de dix pour cent peut-être, je m'en fous. Ce sera toujours trop. Je voudrais être comme toi, partager ta détresse, essorer les larmes qui me coulent dessus, alors même qu'elles ne peuvent plus sortir de tes yeux secs, mais que je sens ruisseler en moi, torrent furieux et acide, ravageur, une coulée de boue et de lave lessivant mon âme en miettes. D'avoir trop volé dans l'éther, nos ailes se sont dissoutes, nous les icares qu'on disait invincibles, vaincus par la non-mort, rattrapés par la vermine.
Il est l'heure, maintenant, mon amour, ma belle, mon ange. Celle, funeste et heureuse, de tenir une promesse, répétée entre nous trente-six fois. Ce serment, je le lis dans tes yeux. Tu me reproches d'avoir tardé si longtemps… L'espoir est si bête, tu sais, quand il ne veut pas partir. J'ai voulu croire que tu me reviendrais, alors pardonne-moi, s'il te plaît. Je me suis imaginé que tu me jouais un mauvais tour - tu peux être si puérile, parfois - et que tu ramènerais tes belles fesses, pimpante, la bouche en cœur… Pour tester mon amour ? Ma patience ? Dans mes rêves je te serre fort dans mes bras et tu te niches dans le creux de mon cou. C'est si doux, c'est si bon !
Je vais rester un peu par ici, tu sais, les enfants ont encore besoin de moi… Je jouerai un peu, de temps en temps, à celui qui assure, je donnerai bien le change. Eh oui, tu m'as enseigné quelques une de tes recettes, ma belle ! J'ai appris à faire le beau, à faire le fort et le digne. Je serai là pour eux, tant qu'il le faudra, et puis ils apprendront à déployer les ailes que nous leur avons léguées avec soin et amour. Alors, je m'en irai, discrètement et sereinement, te rejoindre dans l'infini.
Il est temps, et je voudrais que tu me dises comment c'est, là-bas. Je ne crois pas en Dieu, ni au triste paradis, tu le sais, mais je crois en toi, en ta force, en notre amour. Alors, même s'il n'y a presque rien, que du néant, tu sauras t'y prendre, ma petite maline, pour m'apparaître, en songe ou en folie. Alors, dis-moi comment c'est, là-bas. Tu revois ces personnes aimées qui te manquaient tellement ? Est-ce qu'on s'engueule comme il faut ? Y a de la bagarre pour de faux ? Y fait-on l'amour sauvagement et tendrement ? Est-ce qu'on mange bien, au moins ? Allez ! Parle-moi, s'il te plaît, pendant que j'appuie fébrilement sur la seringue. En songe ou en folie.
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En songe ou en folie
Je te regarde, mon amour, ma belle, mon ange, et je t'aime plus que la vie. Je me souviens de toi et de tes yeux bondissants, tes petites rides de sourire en leur coin, dans ton visage si vivant, autrefois. J'entends ta voix, si puissante, si épaisse, dans le silence et dans l'absence, dans la tristesse et dans la liesse. C'était hier, ou avant-hier, et là, je n'ai plus que tes yeux, égarés, souffrants, fous de colère et de suppliques. Comment faire, mon cœur, comment faire. Ne pas faire, ne pas vivre, ne pas oublier.
Je n'ai plus que tes yeux des jours atroces, le reste, ce n'est plus toi, ce n'est plus toi, juste du parchemin tout fin, tout fin, craquelé, caricature de ta peau, elle était douce, ta peau, elle était douce. Un drap de soie, dans lequel j'aimais par-dessus tout, m'enfouir, m'enfuir du monde si rugueux, face auquel je me retrouve seul, désormais, seul et désarmé, sans ta douceur infinie, sans ta rage de vivre, celle qui abolit nos propres frontières. Mes frontières, celles que tu as dynamitées, déconstruites… Liberté, c'était toi, ma liberté…
M'entends-tu, mon amour, m'entends-tu ? Et si tu m'entends, me comprends-tu ? Il n'y a plus que tes yeux fous, et moi, qui suis fou de toi, auprès de ton corps éteint, il me fait peur, ce corps désincarné, mou, achevé. Tu ne peux même plus sentir ma main sur la tienne, ni mes baisers sur tes lèvres, ni ma joue contre ta joue. Alors ? Je me souviens aussi des cabrioles de ton esprit flamboyant, qui m'a tant de fois retourné les synapses… Ah ! Toutes ces grenades dégoupillées que tu me balançais comme si de rien, et qui m'explosaient à l'intérieur, champ de ruines sur lequel poussait toutes ces fleurs aux couleurs impossibles, champ de fleurs, chant d'amour et de vie, loin de tous ces bâtiments préfabriqués, qu'on aime tant disposer sagement, proprement, dans notre tournoyance incessante. Adieu préfas ! Adieu constructions symboliques et vaines ! Comment te remercierais-je assez, ma superbe garce, pour tous ces éclatants cadeaux ?
Je t'aime, je t'aime, mais tu n'es plus là, ma belle, mon ange, mon amour. Plus vraiment, moins qu'à moitié, à dix pour cent peut-être, disent les médecins statisticiens omniscients. Dix pour cent de toi, une lueur dans un regard, un cerveau fonctionnant par accès souffreteux et boitillants. Je t'aime, tu le sais, je te l'ai dit cent millions de fois au moins, et pensé encore plus, le double ou le triple sans doute, ressenti en permanence. Mon inconnue mille fois connue et oubliée, renouvelée tous matins, quand tu sortais de ta chrysalide aux aurores. Je t'aime, mais tu n'est plus là qu'à dix pour cent peut-être. Accident. Cérébral. Anévrisme. Trois mots stupides qui résonnent et qui s'entrechoquent en moi comme au billard.
Je ne saurais dire à quelle proportion je suis encore en vie. Plus de dix pour cent peut-être, je m'en fous. Ce sera toujours trop. Je voudrais être comme toi, partager ta détresse, essorer les larmes qui me coulent dessus, alors même qu'elles ne peuvent plus sortir de tes yeux secs, mais que je sens ruisseler en moi, torrent furieux et acide, ravageur, une coulée de boue et de lave lessivant mon âme en miettes. D'avoir trop volé dans l'éther, nos ailes se sont dissoutes, nous les icares qu'on disait invincibles, vaincus par la non-mort, rattrapés par la vermine.
Il est l'heure, maintenant, mon amour, ma belle, mon ange. Celle, funeste et heureuse, de tenir une promesse, répétée entre nous trente-six fois. Ce serment, je le lis dans tes yeux. Tu me reproches d'avoir tardé si longtemps… L'espoir est si bête, tu sais, quand il ne veut pas partir. J'ai voulu croire que tu me reviendrais, alors pardonne-moi, s'il te plaît. Je me suis imaginé que tu me jouais un mauvais tour - tu peux être si puérile, parfois - et que tu ramènerais tes belles fesses, pimpante, la bouche en cœur… Pour tester mon amour ? Ma patience ? Dans mes rêves je te serre fort dans mes bras et tu te niches dans le creux de mon cou. C'est si doux, c'est si bon !
Je vais rester un peu par ici, tu sais, les enfants ont encore besoin de moi… Je jouerai un peu, de temps en temps, à celui qui assure, je donnerai bien le change. Eh oui, tu m'as enseigné quelques une de tes recettes, ma belle ! J'ai appris à faire le beau, à faire le fort et le digne. Je serai là pour eux, tant qu'il le faudra, et puis ils apprendront à déployer les ailes que nous leur avons léguées avec soin et amour. Alors, je m'en irai, discrètement et sereinement, te rejoindre dans l'infini.
Il est temps, et je voudrais que tu me dises comment c'est, là-bas. Je ne crois pas en Dieu, ni au triste paradis, tu le sais, mais je crois en toi, en ta force, en notre amour. Alors, même s'il n'y a presque rien, que du néant, tu sauras t'y prendre, ma petite maline, pour m'apparaître, en songe ou en folie. Alors, dis-moi comment c'est, là-bas. Tu revois ces personnes aimées qui te manquaient tellement ? Est-ce qu'on s'engueule comme il faut ? Y a de la bagarre pour de faux ? Y fait-on l'amour sauvagement et tendrement ? Est-ce qu'on mange bien, au moins ? Allez ! Parle-moi, s'il te plaît, pendant que j'appuie fébrilement sur la seringue. En songe ou en folie.
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