Enfances célèbres - Agrippa d'Aubigné
Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2017-06-08
Lu par Daniel Luttringer
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Illustration : portrait de Théodore Agrippa
Extrait :
« - dis-moi, mon enfant: quand et comment as-tu vu ta mère?
-Je l'ai vue, répondit l'enfant avec émotion et gravité, depuis le jour où j'ai commencé à penser, et toujours elle m'est apparue sous la même forme, belle, grande, douce, toute blanche; elle venait la nuit frôler de ses vêtements les rideaux de mon lit; elle me donnait des baisers; sa bouche était froide et me brûlait pourtant. Il y a trois mois, quand je commençai ma traduction de Platon, elle m'apparut toute souriante; je n'entendais pas sa voix, aucune parole ne s'échappait de ses lèvres, et cependant je sentais dans mon esprit qu'elle me disait: «Travaille, mon cher fils, console ton père de ma mort, toi qui l'as involontairement causée; sois l'honneur de notre maison; nos jours sont rapides, ne perds pas ceux de l'enfance dans les jeux; travaille, ta mère te regarde et s'en réjouira.» Elle s'éloigna en me parlant encore des yeux, puis sembla disparaître dans la brume du matin, qui montait devant ma fenêtre. Depuis ce jour, mon père, le travail me devint si facile qu'il me semblait que l'esprit de ma mère, qui fut, m'avez-vous dit, si orné et si grand, s'était placé en moi et pénétrait ce qu'un enfant ne peut comprendre encore; c'est ainsi que j'ai traduit ce dialogue de Platon; l'intelligence maternelle me le dictait. Comment aurais-je pu, sans cela, en comprendre le sens, en deviner les beautés? C'est donc le portrait de ma mère qu'il faut placer en tête de ce Dialogue. »
Source: http://www.gutenberg.org/ebooks/20703
« - dis-moi, mon enfant: quand et comment as-tu vu ta mère?
-Je l'ai vue, répondit l'enfant avec émotion et gravité, depuis le jour où j'ai commencé à penser, et toujours elle m'est apparue sous la même forme, belle, grande, douce, toute blanche; elle venait la nuit frôler de ses vêtements les rideaux de mon lit; elle me donnait des baisers; sa bouche était froide et me brûlait pourtant. Il y a trois mois, quand je commençai ma traduction de Platon, elle m'apparut toute souriante; je n'entendais pas sa voix, aucune parole ne s'échappait de ses lèvres, et cependant je sentais dans mon esprit qu'elle me disait: «Travaille, mon cher fils, console ton père de ma mort, toi qui l'as involontairement causée; sois l'honneur de notre maison; nos jours sont rapides, ne perds pas ceux de l'enfance dans les jeux; travaille, ta mère te regarde et s'en réjouira.» Elle s'éloigna en me parlant encore des yeux, puis sembla disparaître dans la brume du matin, qui montait devant ma fenêtre. Depuis ce jour, mon père, le travail me devint si facile qu'il me semblait que l'esprit de ma mère, qui fut, m'avez-vous dit, si orné et si grand, s'était placé en moi et pénétrait ce qu'un enfant ne peut comprendre encore; c'est ainsi que j'ai traduit ce dialogue de Platon; l'intelligence maternelle me le dictait. Comment aurais-je pu, sans cela, en comprendre le sens, en deviner les beautés? C'est donc le portrait de ma mère qu'il faut placer en tête de ce Dialogue. »
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