LES ARÈNES D'OOBIOCHE
Un Fan-Roman de l'Univers de Perry Rhodan
André BORIE (08/2002)


CHAPITRE VI
Section B

Ryk Pavel se jeta en avant avec un grand cri, tout en faisant tournoyer son épée. Mais cela n'impressionna pas l'hydre dont une des têtes mâchait consciencieusement le bras qu'elle avait arraché au malheureux Tiramon. Le corps du petit Franc-Passeur baignait dans son sang, imbibant le sable de l'arène, et le mercenaire s'efforçait d'empêcher le monstre de continuer son repas. Il ne se faisait cependant pas d'illusion sur le sort final qui les attendait tous les deux.
Soudain, un être étrange surgit à ses côtés, brandissant l'épée et le bouclier qui avaient appartenu à l'ex-capitaine du Zulgar XIX.
Le Carsacien fut tellement surpris par cette apparition qu'il faillit se faire avoir par l'attaque de l'animal tricéphale.
– Fais attention !
La voix de crécelle était sèche et réprobatrice.
– Qui es-tu ?
– Arx !
– Le copain de Masas ?
– Oui, mais Arx n'est pas là pour discuter, seulement pour te tirer d'affaire !
Tout en terminant sa phrase, l'Antilan avait exécuté à toute vitesse une sorte de roue qui l'avait amené sous le ventre de l'hydre, dans lequel il plongea son arme jusqu'à la garde. L'instant d'après, il s'était éloigné de l'animal qui poussait des hurlements affreux tout en trépignant sur place et en balançant sa queue avec violence.
Le mercenaire, sidéré par la rapidité avec laquelle son compagnon insolite avait agi, eut alors le temps de le détailler : à première vue, son sauveteur pouvait passer pour un poulpe terrestre. Mais il ne s'agissait que d'une ressemblance assez lointaine ! Doté de huit appendices musculeux soutenant un corps ovoïde grisâtre resserré en son milieu, et dont la partie supérieure constituait la tête, l'octopode pouvait se déplacer indifféremment sur trois ou quatre jambes, selon les besoins du moment. Les quatre ou cinq pseudopodes restants étaient autant de bras, et leur extrémité effilée permettait de saisir n'importe quel objet avec une force et une adresse que l'on aurait cru réservées aux humanoïdes.
À l'endroit où son corps formait un étranglement, il portait un ceinturon de plastométal où pendaient les gaines d'un pistolet thermique, d'une hache de jet et d'un petit sabre courbe. Trois autres sacoches de cuir complétaient cette ceinture d'arme.
Ryk avait entendu sa sœur lui parler du natif d'Antila, toutefois il fut surpris de découvrir que le renflement de la tête se terminait par un méplat hérissé d'une couronne d'yeux aux reflets dorés, surmontant une bouche ronde encadrée par deux courtes défenses recourbées. Le sommet de son crâne plat était parsemé d'antennes vibratiles qui lui servaient à entendre. Deux branchies, protégées par des plaques cornées et situées sous le corps, lui permettaient de respirer.
– Comment es-tu arrivé ici ?
– En vaisseau !
– Merci, ça je m'en doutais un peu !
– Avec une flotte de l'O.M.U.
Un rugissement de joie s'échappa des lèvres du mercenaire :
– Alors, on est sauvé !
Et dans le même temps, dopé par cette nouvelle inattendue, il se rua fougueusement sur le monstre tricéphale, frappant d'estoc et de taille au mépris de toute prudence, jusqu'à ce qu'un des pseudopodes d'Arx le saisisse par la taille et le tire en arrière sans le moindre ménagement.
– Ce n'est pas une raison pour te faire tuer !
Dégrisé d'un seul coup, un peu honteux de s'être laissé aller à une exaltation inhabituelle et coupable, Ryk s'aperçut alors que les cris qui montaient des gradins n'étaient plus des hurlements d'encouragement à l'encontre de l'animal, mais des hurlements de terreur. Suivant du regard l'endroit que fixait la foule, il aperçut l'objet de leur peur : une énorme sphère de huit cents mètres de diamètre, un navire de classe Astrée, immobilisé dans le ciel à la verticale de l'amphithéâtre.
La panique s'était emparée des spectateurs qui tentaient de fuir dans toutes les directions. Dans la bousculade qui s'ensuivit, plusieurs d'entre eux basculèrent par-dessus les rambardes et s'écrasèrent dans l'arène.
À cette vue, l'hydre de Tallens se détourna d'adversaires qui s'avéraient très coriaces pour se précipiter dans un galop maladroit et légèrement titubant vers ses nouvelles proies. Bien que sérieusement blessée, elle parvint à se saisir d'un homme gigotant et piaillant que les trois têtes se mirent à dévorer vivant.
Utilisant quatre jambes, Arx se précipita d'une course chaloupée en brandissant son pistolet thermique avec lequel il s'attaqua aux longs cous. Hurlant de douleur, l'animal lâcha les restes de sa victime et tenta de fuir. Mais, impitoyablement, l'Antilan le poursuivit en continuant à tirer. Une effroyable odeur de chair carbonisée s'éleva dans les airs.
Constatant que son compagnon n'avait pas besoin d'aide pour terminer son travail d'élimination, Ryk se hâta auprès de Tiramon. Le Franc-Passeur possédait encore un souffle de vie malgré son horrible blessure, et le Carsacien déchira sa chemise pour en former une boule qu'il posa sur la plaie pour tenter d'arrêter le sang.
– Laisse-le moi, je vais l'emmener.
Levant la tête, il aperçut Melbar Kasom, Carlot Dobart et certains de leurs compagnons d'infortune.
– Comment se fait-il….
Mais il ne put terminer sa question. Un rire tonitruant le força à se boucher les oreilles, et le géant lança :
– Quand le Thora II est apparu au-dessus de l'arène, la plupart de nos gardes ont fichu le camp, et Rud Blackbear s'est occupé des autres. Après cela, il n'a plus eu le moindre problème pour nous libérer !
– Rud Blackbear ?
Le colosse eut une grimace narquoise et jeta un regard par-dessus son épaule en expliquant :
– Un descendant d'indien cherokee, véritable casse-cou toujours à la recherche des missions les plus tordues, dont j'ai fait la connaissance il y a quelques années et qui est devenu membre de l'O.M.U. sur ma recommandation ! Mais quelle idée ai-je eu ce jour-là !?
Un Terranien au teint basané, aux cheveux se terminant en queue de cheval et retenus par un catogan, se tenait un peu en retrait et lui fit un petit signe amical de la main, le visage fendu par un grand sourire découvrant des dents à la blancheur surprenante.
Ryk, un peu dépassé par la succession d'évènements qui, de prisonnier voué à la mort, le ramenaient d'un seul coup au statut d'homme libre et vivant, secoua la tête d'un air incrédule. Puis il haussa les épaules d'un air fataliste :
– Si tu trouves tout cela normal….