La Belle Tamisier, la Tulipe, la Madeleine, la liberté et l'égalité
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Publication : 2018-12-28
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Illustration: Extrait de la toile: scène dans une taverne de William Hogarth:
https://en.wikipedia.org/wiki/A_Rake%27s_Progress,_3:_The_Tavern_Scene
César Franck interprêté par Stefano Ligoratti
Violin Sonata in A - IV. Allegretto poco mosso
Paul Pitman, Bang-Eun Lee Sonata for Cello and Piano - III. Recitativo- Fantasia. Ben moderato
La Belle Tamisier, La Tulipe, la Madeleine, la liberté et l'égalité: soupe pho aux boulettes moelleuses Que sait-on de la Belle Tamisier, si ce n'est pas grand-chose d'une part et, d'autre part, qu'il ne s'agit pas d'un bateau mais bien d'une jeune femme au caractère bien trempé et follement éprise de liberté... Belle et rebelle donc. Elle naît au milieu du XVIIIème siècle, c'est certain, mais où ? On n'en sait rien. Sans doute à Brest, peut-être à Recouvrance, le quartier rive droite. Si elle est fort belle on l'aura compris, elle est aussi sans aucun doute éduquée, n'a pas froid aux yeux mais des rêves plein la tête. Comme beaucoup d'adolescentes depuis la nuit des temps, elle aspire à une vie tourbillonnante et pétillante dans le meilleur des mondes possibles. Un beau jour, elle épouse Mathurin Portier, un joli corsaire du Roi, marin sur le Conquérant. Ce fier senau écume pour le compte de la couronne de France les mers du globe et détrousse donc joyeusement sur la mer jolie les vaisseaux ennemis d'outre-manche. Même après une flamboyante lune de miel, l'ennuyeux quotidien de la jeune épouse esseulée, assignée au port, rattrape la jeune femme. Sous le contrôle suspicieux de toute la société de son temps, celle qui est devenue Madame Portier se voit plongée dans la vertueuse attente de son glorieux corsaire d'époux courant l'Atlantique. La banalité de son existence pèse comme un couvercle sur les épaules de la belle qui avait rêvé d'autre chose. A Brest, en cette fin de XVIIIème, on est à des lumières du Siècle des Lumières. La ville et son port, côté Recouvrance sur la rive droite, grouillent d'une vie intense peuplée de marins de la Royale, d'ouvriers de l'arsenal, de pêcheurs, d'artisans, de commerçants et de bistrotiers. Des prostituées, dont le nombre croissant inquiétait les autorités, profitent de cette manne et insufflent aux nuits brestoises festivité et légèreté, ce dont témoignent les trois cents naissances illégitimes recensées. "On a beau les chasser, elles semblent revenir par-dessus les murs" déclarait le commandant de la marine royale à Brest, en cette fin de XVIIIème siècle. La Belle Tamisier a donc vite fait de tomber à l'occasion dans quelque bras pour tromper son ennui et pimenter son existence. On ne lui en voudra pas, nous, de notre XXIème siècle, mais ce point de vue n'est pas du tout partagé par la belle-famille car les rumeurs vont bon train sur les quais encombrés et graisseux. Beau papa Vincent, l'acrimonieux tambour major de la ville de Brest, voit rouge et tente de remettre son indigne belle-fille dans le droit chemin. C'est peu de dire que les caractères de ces deux-là s'entrechoquent : on raconte en effet qu'en 1758, Vincent Portier, dit la Tulipe, fit monter les enchères d'une main de fer lorsque la question de ses émoluments fut abordée, négociant sa charge à hauteur de cent-vingt livres quand les autres tambours n'avaient jusque-là obtenu qu'à peine vingt-quatre livres. La Tulipe est donc quelqu'un d'autoritaire, occupant une situation sociale élevée et qui a fait pour sien l'adage selon lequel charbonnier est maître chez soi. Le point de vue de la Belle Tamisier diverge, on l'aura compris, qui poursuit sa vie festive -de débauche, dira-t-on-. La situation s'envenime le jour où l'on apprend que le corsaire cocu est mort noyé à Cheasapeake lors de la bataille du Cap Henry, au large des côtes américaines, au côté de près de soixante autres corsaires embarqués comme lui sur le Conquérant, en un sinistre jour de mars 1781. Provoquant un scandale sans nom, la jeune veuve ne respecte pas les codes : elle ne porte pas le deuil bien longtemps et trouve très vite des bras accueillants pour noyer son incertain chagrin, profiter de sa liberté retrouvée et sourire à la vie. C'est plus que n'en peut supporter beau-papa La Tulipe : faisant jouer tous les leviers à sa disposition -et il a le bras long-, il fait incarcérer la Belle Tamisier au sinistre Refuge de la Madeleine afin de l'ôter du monde à jamais... Le lieu est épouvantable, on n'en doute pas une seconde. En 1736, venelle Saint-Malo à Recouvrance, avait été édifié un établissement appelé Refuge Royal ou Refuge de la Madeleine, qui ouvrit ses portes afin de débarrasser Brest et sa région des filles mères, des prostituées, mais aussi des jeunes filles égarées, des libres penseuses, des femmes engagées mais également des femmes "mises au secret" par leur marin de mari durant leurs absences -une sorte de ceinture de chasteté grand format-... Les soeurs Saint Thomas de Villeneuve géraient ce bagne qui ne disait pas son nom sans états d'âme aucuns : les pénitentes y travaillaient pour la Royale douze heures par jour en tant que fileuses, tanneuses ou étouppières, s'amendant ainsi de leur vie de débauche. L'honneur de tous était donc sauf. Le 1er février 1782, La Tulipe et toute la société de son temps condamnent ainsi la jeune veuve à la mort civile et à l'oubli : elle perd son nom d'épouse, reprend son nom de jeune fille, est mise au carcan, fouettée, marquée au fer rouge de la fleur de lys sur l'épaule droite, enfermée -du moins croit-on- à jamais dans ce qui ressemble à un cul de basse fosse dont on pense avoir jeté la clé au fond d'un puits. «Ici, je vais faire mon carnaval ! » hurle-t-elle avant que les portes se referment sur ses jupes et son épaule brûlée. Et, de fait, elle y restera dix jours, et pas un de plus. Non mais. Le 10 février 1782, dimanche des gras, le pénitencier de la Madeleine et l'église y attenant furent entièrement consumés. Ces édifices n'étaient séparés du port que par une petite maison dont l'embrasement, si l'on n'avait réussi à le prévenir, se serait communiqué à des baraques voisines couvertes de toile goudronnée. Bien que l'incendie se fût déclaré dans la soirée, les secours de la rade se joignirent très-promptement à ceux du port et furent si bien dirigés, que malgré le peu de largeur de la rue, le feu ne se communiqua point aux maisons voisines des baraques. Le vent, orienté au sud-est, était heureusement faible. A onze heures du soir, on était maître du feu. Plusieurs travailleurs furent blessés et il périt sept ou huit femmes, voire trente -ce décompte n'étant sans doute pas considéré comme très important-. Il est établi que le feu avait pris dans la cellule de la Belle Tamisier qui profita de la confusion pour prendre la poudre d'escampette. On dit que la vengeance est un plat qui se mange froid : pas cette fois-là ! Quant au Refuge Royal, il ne sera jamais reconstruit. Et toc. La suite de la vie de la Belle Tamisier reste un joli mystère et on peut prêter à cette icône féministe en colère toutes les vies, des plus radieuses aux plus légères. On l'imagine, grimée en homme, s'embarquer pour des terres lointaines sur un vaisseau pirate, portée par un vent de liberté, voguer sur les mers du sud, d'île en île, et partager à bord une généreuse soupe façon pho aux shiitakés, aux nouilles, aux herbes, aux épices et aux boulettes. Vive la liberté et l'égalité! Pour une poignée de pirates, femmes et hommes, épris de liberté: Pour le bouillon Un beau poulet fermier bio Deux beaux oignons rosés de Roscoff Un morceau de gingembre frais 2 étoiles de badiane Un bâton de cannelle Deux gousses de cardamome verte Une cuillère à soupe de coriandre 3 clous de girofle 10 g de sucre de canne complet (une belle cuillère à soupe) Pour la finalisation : La chair du poulet coupée en petits dés Deux cuillères à soupe de sauce nuoc mam Deux cuillères à soupe de sauce soja 4 à 5 champignons parfumés (shitakés) secs (15 à 20 gr) Une belle poignée de champignons noirs secs (environ 25 à 30 gr) Un paquet de nouilles de riz sèches (environ 100 gr) Un bouquet d'herbes fraîches en mélange (selon les saisons) : menthe bergamote, ciboulette, persil plat, coriandre, citronnelle, basilic thaï... Pour les boulettes : 1,5 kg d'échine de porc blanc de l'Ouest blanc de Pascale Bégoc (sur le marché de Sizun le mercredi) Une cuillère à café de sel Une cuillère de poivre noir de Kampot fraîchement moulu Une cuillère à soupe de miel toutes fleurs des Monts d'Arrée Deux cuillères à soupe de sucre de canne complet bio Trois cuillères à soupe de sauce nuoc mam Un oignon rosé de Roscoff (ou des oignons verts des Jardins de Kervelly à Commana) Une tête d'ail (ou un bouquet d'ail nouveau) 6 gr de bicarbonate (qui va permettre aux boulettes de ne pas éclater à la cuisson) Dans une poêle antiadhésive, poser à plat les oignons épluchés et coupés en deux. Laisser brunir à sec sur feu moyen. Dans un faitout profond, poser le poulet, les épices et les oignons caramélisés. Recouvrir très largement d'eau froide et amener à ébullition. Laisser cuire une heure trente à feu moyen et à couvert. Au bout de ce temps, ôter le couvercle. Sortir le poulet et le décortiquer. Remettre dans le bouillon qui continue à blobloter la carcasse, les os, la peau. Couper la chair obtenue en petits morceaux de la taille d'une bouchée. Réserver. Laisser réduire et concentrer le bouillon sur feu doux pendant une nouvelle heure. Placer les champignons secs dans un peu d'eau chaude pour les réhydrater. Lorsque c'est chose faite, sortir les champignons de l'eau, filtrer soigneusement cette eau parfumée et la verser dans le bouillon. Poursuivre l'ébullition douce du bouillon. Pour les boulettes, c'est simple comme bonjour. Désosser la viande, la couper en cubes et la passer au hachoir avec l'ail épluché et l'oignon. Ajouter tous les autres ingrédients (miel, sucre, sel, poivre, sauce nuoc mam, bicarbonate et bien malaxer avant de former des boulettes de la taille d'une bouchée. Le secret de Fred pour former facilement les boulettes : s'enduire les mains d'huile régulièrement. Et ça marche ! Placer les boulettes au fur et à mesure dans le panier du cuit-vapeur et les faire cuire 30 mn (départ à froid). Filtrer le bouillon dans un chinois tapissé d'un torchon mouillé et essoré. Ce procédé permet de filtrer bien entendu les morceaux (os, peau et épices) mais surtout de contenir le gras. Le bouillon est donc désormais filtré et dégraissé. Remettre le bouillon sur le feu dans la marmite pour maintenir la chaleur. Y verser les sauces nuoc mam et soja, les champignons émincés, laisser cuire quelques minutes. Puis ajouter les pâtes sèches (qui cuiront au contact du bouillon) et enfin la chair du poulet. Servir dans des bols de belles louchées sur une poignée d'herbes ciselées, des boulettes et, pour ceux qui ont l'esprit d'aventure, un piment rouge émincé... Proposer des sauces nuoc mam et soja pour que chacun ajuste l'assaisonnement. Se déguste brûlant à l'aide de baguettes de bambou. Embarquement immédiatement pour ailleurs utopique de liberté et d'égalité !
Source: http://www.gouezou.canalblog.com/
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