Un conte tiré de la légende bretonne de la ville d'Ys par Pierre Zaccone (1818-1895) paru dans le Bulletin de la société des gens de lettres en 1853.

« L'emplacement que les flots recouvrent aujourd'hui, a été, dit-on, occupé autrefois par une ville considérable, dans laquelle le roi Grallon avait établi le siège de son empire. — Une ville splendide, babylonienne, si l'on en croit la tradition, — Elle était bâtie de marbre, peuplée de palais, tout étincelante d'or : des remparts d'une hauteur colossale la défendaient des attaques de ses ennemis d'un côté, et des digues d'une solidité à toute épreuve, la protégeaient de l'autre, contre les envahissements de l'Océan. — Il n'y avait donc rien à craindre, et sûre de l'impunité, la cour du bon roi Grallon, se livrait avec emportement à ces ténébreux excès qui avaient autrefois attiré la colère du ciel sur Sodome et Gomorrhe !

Un jour cependant, Dieu ne put voir, sans en être courroucé, le scandaleux spectacle que la ville d'Is donnait à la Bretagne et au monde entier, et il résolut de la détruire. — Ce ne fut pas long. — La ville d'Is s'endormit la nuit suivante du lourd sommeil de l'orgie, et ne se réveilla plus. — L'Océan avait brisé ses digues puissantes, et l'on ne voyait plus, à la place de la ville, qu'une immense nappe d'eau, silencieuse et morne.

Voilà ce que raconte la légende, et le souvenir de ce fait est si vivant aujourd'hui encore dans le pays, que s'il vous prend fantaisie d'aller faire une excursion sur cette sorte de lac marin, les matelots vous montreront au fond de l'eau les palais de marbre, les remparts et les principaux édifices de la ville submergée. — Seulement, ces célèbres ruines se trouvent à une telle profondeur, qu'il est parfaitement impossible de les distinguer. »

Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58495098/f75