Poème. Pendant qu'il dort sur sa barque, le rameur entend une voix. Il ne sait pas qui c'est, il se lève et il regarde...

"Venez voyager sur la mer de la poésie !" lili

 
AU SUJET FINALEMENT DE S'EMBARQUER

La Chanson du Rameur de Cythère

Puisqu'en ma barque, Solitaire,
Je dormais, qui donc m'éveilla ?
Qui m'a crié : « Rameur de Cythère,
Lève-toi, je suis là. »

Je me lève,
Et je vois mon rêve,
Et la mer confondue au jour
Et la terre comme une tour,
Cependant que la voix meurtrie
Tâtonne dans l'ombre et me crie :
Holà !
Rameur de Cythère. »

Et me voilà,
Je vois la terre,
Et je vois la mer,
Et je vois mon rêve,
Et donc je me lève,
Et je détends au souffle amer
Le pli superbe de la voile,
Et je vois l'étoile
Qu'au ciel calme aussi tu verras,
Toi qui, hautaine,
Viens de Corinthe ou d'Athène,
Si tu courbes ta hanche au bras
Du Rameur puissant de Cythère,
Qui sur un flot comme enchanté
Porte les formes de la terre
Qui vont à l'Immortalité !

Et dans ma barque, Taciturne,
J'ai porté des Porteuses d'urne
Et des Reines aux yeux glorieux,
Et des enfants aussi joyeux,

Mais nulle autre encore, fût-elle
La fille fauve de Titan
Ou quelque plus douce Immortelle,
Ne m'émut tant
Que cette voix vague, perdue,
A peine entendue
A peine... et qui meurt ;
Et moi, le Rameur,
Je lui réponds et je lui crie :

D'où que tu sois, et de quelle patrie,
Porteuse d'urne ou de bandeau
Ou Porteuse d'asphodèle,
Pose ici même ton fardeau,
Viens sur la mer qui m'est fidèle,
Et si tu le veux
Epands tes cheveux,
Et s'il te plaît, laisse au rivage
Tomber ta robe d'esclavage,
Et viens t'asseoir
Sous ma voile,
Voici le soir
Et l'étoile !

Maurice de FARAMOND

 

Poème extrait du livre "Le Livre des odes" de Maurice de Faramond de Montels (poète et dramaturge français 1862-1923).

 

Illustration : Pixabay
Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54577495/f94.item.texteImage