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LE REPAS
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Extrait du recueil Les quatre Saisons de Stuart Merrill Stuart (1863-1915).
Voici, amie, sur la table de sapin blanc
Qu’égaie un pot rustique de roses et de lis,
La jatte pleine de lait et la miche de pain bis
Et la corbeille toute lourde d’amandes et de cerises
Où notre faim mordra bientôt à pleines dents.
C’est l’heure gaie du repas où nous nous volons, comme des enfants,
De bouche à bouche, de bons baisers avec les fruits,
Et c’est l’heure grave du silence des alouettes
Où les cloches, de bourg à bourg, sonnent ensemble midi.
Viens ! J’entends dans la chambre haute ton rire de fillette
Répondre au roucoulement tendre des tourterelles
Qui se rengorgent de désir dans leur cage d’osier.
Viens ! nous nous aimons et la saison est belle.
La porte s’est ouverte sans bruit sur le jardin
Où l’on entend, de corolle à corolle, bruire les abeilles
Comme des âmes butinant le miel béni du Bien.
Une bergeronnette chante sous les capucines vermeilles,
Aiguë et douce, la joie des jours dans les futaies
Et la paix des nuits, au nid, de soleil à soleil ;
Des fleurs, je crois, vont éclore en nos cœurs,
Et nos paroles seront des oiseaux de bonheur
Qui crieront à plein vol la gloire de cet été.
Je fermerai légèrement les volets verts
Pour que le soleil où la poussière s’irise
Ne blesse pas tes yeux, amie sage
Dont le regard me fait rêver à toute la mer !
La mer ! L’entends-tu par-delà le village
Et ses toits roses qui fument, et l’église grise,
Tonner, monotone comme un ancien remords,
Sur la plage où, l’hiver, s’échouèrent tant de morts ?
Mais non ! Nous avons oublié jusqu’au nom de l’hiver,
Ô mon amie aimée qui a tant souffert
Avant d’apprendre à rire dans l’asile de mes bras,
Et à laisser, au long des heures, danser tes pas !
Oh ! tes pieds dans l’escalier, et le bruit de ta robe,
Et cette chanson fleurie au bord de tes lèvres,
Et soudain la porte qui cède, ton geste qui se dérobe,
Et ton baiser livré dans une si jolie fièvre !
Amie, je veux oublier que l’on pleure sur la route
Et que les cloches tout à l’heure sonneront, graves, le glas
Pour une âme qui peut-être n’est pas encore absoute.
Je veux ravir au temps cette minute de bonheur
Et croire que toute la terre est heureuse comme nous.
Viens donc, puisque midi sonne parmi les fleurs,
T’attarder, en faisant ta voix lente et tes regards doux,
À cette table aussi sainte que celle où jadis
Jésus se donna aux hommes.
Avec des roses et des lis,
Voici la jatte de lait et la miche de pain bis
Et la corbeille toute lourde d’amandes et de cerises.
Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54865r/f57
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