Les nuits de Tunis
Dans la complicité de la clarté bleuâtre
On sent autour de soi voltiger des baiser
Qui des fronts ivoirins vont aux gorges d’albâtre
Et chassent à l’amour, toujours inapaisés.
Mignonne, pourquoi donc votre épaule vient-elle
De tressaillir soudain d’un si gentil frisson ?
C’est que vous avez cru ressentir le coup d’aile,
Aux plis de votre cou, d’un petit papillon.
Mais non, mignonne, non ; c’est un baiser qui passe
Et se pose un instant dans le nid de satin
Qu’une fossette creuse au menton qu’il embrasse
Avant de s’élancer vers un autre butin.
Puis à vous, sans tarder, le voici qui revole :
Votre parfum d’amour l’attire et le séduit.
Et moi, je sais le voir qui doucement vous frôle,
Quand vous croyez chassez un papillon de nuit.
Il part enfin, grisé du miel de votre lèvre.
Et vous, vous êtes lasse, et sans savoir pourquoi ;
Et vos yeux sont cernés, comme battus de fièvre,
Et votre sein se gonfle en un étrange émoi.
Mais vous êtes vouée à l’heureuse souffrance :
Jusqu’en votre sommeil
le papillon viendra
Voler autour de vous. Dans son impertinence,
Qui sait où le baiser vainqueur se posera.
Et dans la nuit stellée où passent cent baisers,
Chacun reste étonné du transport qui l’agite.
Sous l’œil malicieux des astres irisés,
Tanit n’est plus Tanit et devient Aphrodite.
On se sent pris, au sein du merveilleux décor,
Du désir d’être nu dans la splendeur des choses,
Et de s’étendre ainsi sous le grand velum d’or
Qui semble préparé pour les apothéoses.