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LA RETIRADA
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Photo:Éole
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La Retirada
Soixante-dix ans après se commémore cette « retirada ». On connaît mieux maintenant les épisodes douloureux, les circonstances réelles de l'arrivée en France des militaires et des civils, après la débâcle républicaine
Ce fut un hiver rigoureux celui de 1939. Les « hordes » vaincues restèrent bloquées à la frontière plusieurs jours avant que le passage de celle-ci ne fut toléré. Sous la neige, dans les Pyrénées en février…
Ce fut après le parcage dans les sables d'Argelès, sous la tramontane, dans des barbelés gardés par des tirailleurs sénégalais, sans abris ni sanitaires, au vent, au froid, à la dysenterie, au typhus, devenus compagnons habituels dans ces « camps de concentration. » Ce furent « les camps du mépris. »
Presque 500 000 refugiés en deux mois… dans des départements qui ne comptaient pas plus de 200 000 habitants… Des champs envahis par ceux qui ne savaient pas où aller, qui se chauffaient en faisant du feu avec les branches coupées aux arbres… On les avait présentés avec le couteau entre les dents dans des affiches… Ils faisaient peur, hirsutes, image d'une misère sans limite et sans espoir. En dehors de quelques accueils chaleureux, l'accueil officiel et courant fut largement hostile…
Des témoignages, des études historiques sont parues, qui permettent de comprendre les difficultés de cette période proche du début de la guerre contre l'Allemagne nazi. Même si le grand public n'en a pas eu connaissance, cette période dans les camps est abondamment documentée maintenant pour ceux qui veulent s'y référer.
Les réfugiés espagnols ne furent pas accueillis avec joie ni avec solidarité à des exceptions près. Dans sa thèse sur le camp du Vernet, en Ariège, Maëlle Maugendre a recensé les documents administratifs de la période précédent cette arrivée et ceux produits pendant la gestion en cours de ces camps. Un décret, cité par elle, du 17 juin 1938, signé Daladier et Albert Sarraut explique qu' « une sage gestion de nos finances, la protection de la santé publique et la sauvegarde de notre race commandent de renforcer le contrôle sanitaire… à l'égard des travailleurs étrangers » (Ed. Sudel ; Prix Jean Maitron 2007) C'était l'état d'esprit du moment concernant les étrangers immigrés… qui présida à l'accueil des réfugiés.
L'apostrophe courante dans les campagnes était alors « espagnol de merde ! » Je l'ai entendue encore des années après…
A leur sortie des camps, l'action de ces refugiés a été importante dans la Résistance et dans l'Armée de Libération. Dans l'Ariège ils ont participé à la libération de Foix, à Paris à celle de la capitale… et ailleurs !... Les MOI de Toulouse comprenaient des juifs polonais et des espagnols principalement… Mais à la Libération, leur action fut escamotée. La pensée unique de l'époque consistait à dire que la Résistance ne fut que l'œuvre des français… L'accord était complet des communistes aux gaullistes pour cela.
Il a fallu qu'il ne reste que 3 survivants de la « Nueve » (la colonne Leclercq commandée par Raymond Dronne), pour que les combattants espagnols qui avaient libéré Paris soient à l'honneur, il y a 4 ans à peine. Peu savent leur contribution à la campagne d'Afrique, à la libération de Strasbourg, etc.
Peu savent l'importance de leur participation aux maquis dès le début... sans attendre 1943-44... Peu savent le nombre de leurs déportés à Mauthausen, où restèrent à jamais entre 5 000 et 10 000 d'entre eux.
Les camps de concentration servirent après aussi pour d'autres… Mais il y a peu d'évocations de leur création pour les espagnols. Cela fait partie des zones d'ombre, et du malaise qui a entouré cet épisode. L'histoire aussi a des refoulements…
Avec le 70è anniversaire, une plaque a été fixée sur la plage à Argelès et des journaux en parlent localement. Espérons que leur souvenir viendra illustrer le fait que l'intégration des espagnols et de leurs enfants ne s'est pas faite dans l'allégresse, mais malgré les méfiances, par des efforts individuels et collectifs qui étaient le prolongement de leur engagement républicain, dans la défense des libertés.
Raymond BELTRAN
Le 22 février 2009
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