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INTRODUCTION à LA MéTHODE DE LéONARD DE VINCI

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Continuité entre Arts et Sciences, Arts et Nature.

Ce qui deviendra la « Méthode de Paul Valery », son Esthétique.

« Nos révélations, pensais-je, ne sont que des événements d'un certain ordre, et il faut encore interpréter ces événements connaissants. Il le faut toujours. Même les plus heureuses de nos intuitions sont en quelque sorte des résultats inexacts par excès, à l'égard de notre clarté ordinaire ; par défaut, au regard de la complexité infinie des moindres objets et des cas réels qu'elles prétendent nous soumettre. Notre mérite personnel, — après lequel nous soupirons, — ne consiste pas à les subir tant qu'à les saisir, à les saisir tant qu'à les discuter... Et notre riposte à notre « génie » vaut mieux parfois que son attaque. Nous savons trop, d'ailleurs, que la probabilité est défavorable à ce démon : l'esprit nous souffle sans vergogne un million de sottises pour une belle idée qu'il nous abandonne ; et cette chance même ne vaudra finalement quelque chose que par le traitement qui l'accommode à notre fin. — C'est ainsi que les minerais, inappréciables dans leurs gîtes et dans leurs filons, prennent leur importance au soleil, et par les travaux de la surface. Loin donc que ce soient les éléments intuitifs qui donnent leur valeur aux oeuvres, ôtez les oeuvres, et vos lueurs ne seront plus que des accidents spirituels perdus dans les statistiques de la vie locale du cerveau. Leur vrai prix ne vient pas de l'obscurité de leur origine, ni de la profondeur supposée d'où nous aimerions naïvement qu'elles sortent, et ni de la surprise précieuse qu'elles nous causent à nous-mêmes ; mais bien d'une rencontre avec nos besoins, et enfin de l'usage réfléchi que nous saurons en faire, — c'està-dire, — de la collaboration de tout l'homme. Mais s'il est entendu que nos plus grandes lumières sont intimement mêlées à nos plus grandes chances d'erreur, et que la moyenne de nos pensées est, en quelque sorte, insignifiante, — c'est celui en nous qui choisit, et c'est celui qui met en oeuvre, qu'il faut exercer sans repos. »

« Une élégance supérieure nous déconcerte. Cette absence d'embarras, de prophétisme et de pathétisme ; ces idéaux précis ; ce tempérament entre les curiosités et les puissances, toujours rétabli par un maître de l'équilibre ; ce dédain de l'illusionnisme et des artifices, et chez le plus ingénieux des hommes ; cette ignorance du théâtre, ce sont des scandales pour nous. Quoi de plus dur à concevoir pour des êtres comme nous sommes, qui faisons de la « sensibilité » une sorte de profession, qui prétendons à tout posséder dans quelques effets élémentaires de contraste et de résonance nerveuse, et à tout saisir quand nous nous donnons l'illusion de nous confondre à la substance chatoyante et mobile de notre durée ? Mais Léonard, de recherche en recherche, se fait très simplement toujours plus admirable écuyer de sa propre nature ; il dresse indéfiniment ses pensers, exerce ses regards, développe ses actes ; il conduit l'une et l'autre main aux dessins les plus précis ; il se dénoue et se rassemble, resserre la correspondance de ses volontés avec ses pouvoirs, pousse son raisonnement dans les arts, et préserve sa grâce. »

« Des précipitations ou des lenteurs simulées par les chutes des terres et des pierres, des courbures massives aux draperies multipliées ; des fumées poussant sur les toits aux arborescences lointaines, aux hêtres gazeux des horizons ; des poissons aux oiseaux ; des étincelles solaires de la mer aux mille minces miroirs des feuilles de bouleau ; des écailles aux éclats marchant sur les golfes ; des oreilles et des boucles aux tourbillons figés des coquilles, il va. Il passe de la coquille à l'enroulement de la tumeur des ondes, de la peau des minces étangs à des veines qui la tiédiraient, à des mouvements élémentaires de reptation, aux couleuvres fluides. Il vivifie. L'eau, autour du nageur, il la colle en écharpes, en langes moulant les efforts des muscles. L'air, il le fixe dans le sillage des alouettes en effilochures d'ombre, en fuites mousseuses de bulles que ces routes aériennes et leur fine respiration doivent défaire et laisser à travers les feuillets bleuâtres de l'espace, l'épaisseur du cristal vague de l'espace. »


Source: https://fr.wikisource.org/wiki/Introduction_%C3%A0_la_m%C3%A9thode_de_L%C3%A9onard_de_Vinci_(1919)

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