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LE LAPON DANS LA MARMITE
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Musique : Camille Saint Saens: Carnaval des animaux (fossiles): https://musopen.org/
Merci à Grégory pour l'illustration
Texte ou Biographie de l'auteur
Ernest Pérochon, né le 24 février 1885 et mort le 10 février 1942 (à 56 ans), est un écrivain français ayant obtenu le prix Goncourt 1920 pour Nêne. D'abord instituteur, il quitte l'enseignement pour l'écriture en 1921.Il a écrit des poèmes, des romans (allant du réalisme à la science-fiction), ainsi que des livres pour enfants.
Le Lapon dans la marmite C'était bien loin, en Laponie, du côté de la mer Blanche et de l'océan Glacial. La Laponie n'est point un pays chaud ! Brrr !... Prononcer ces mots de « mer Blanche » et d' « océan Glacial » suffit à faire grelotter ! Les habitants de ce pays s'appellent les Lapons. Ce sont des hommes de petite taille, mais vigoureux, peu endurcis, peu sensibles au froid. Ils vivent en des villages ou bien sous des tentes en peaux de rennes. Les rennes remplacent pour eux les boeufs et les chevaux. A la belle saison, les Lapons chassent et pêchent. Les Lapons dont il s'agit, en cette histoire, ne vivaient sous la tente qu'au moment des chasses. A l'ordinaire, ils habitaient au village de Rekévik, non loin du rivage de l'océan Glacial. Il y avait, en ce village de Rikévik, un singulier garçon. Ah ! ce n'était pas un géant ! ni même un Lapon de taille ordinaire ! C'était le plus petit des petits Lapons... C'était un nain et il s'appelait Mac-Nac. Son père et ses frères disaient : « Que ferons-nous de ce petit rat ? Si nous l'emmenions à la chasse, les loups le mangeraient en une bouchée. Pourra-t-il seulement surveiller les rennes ? A peine s'il est capable d'attiser le feu ! » Le père et les frères de Mac-Nac étaient de vaillants chasseurs. Quand ils partaient à la recherche des ours blancs et des autres bêtes à fourrure, ils chantaient d'une voix rude : En avant, fiers Lapons ! Brandissons nos harpons ! Les Lapons de chez nous N'ont jamais peur des loups ! Mac-Nac n'osait point mêler sa voix de roitelet à la grosse voix des chasseurs. Il aimait à chanter, pourtant, lui aussi, quand il était au coin du feu, tapant en mesure sur les bûches pour en faire monter des étincelles. Mais il chantait ceci, tout simplement : La ri ri pan pou ! Pan pou la ri rette La ri ri pan pou Pan pan la ri ra Cela faisait une certaine différence ! Mac-Nac n'était cependant ni peureux ni douillet. C'était un garçon qui mangeait sa soupe sans souffler dessus. S'il tombait et s'il lui venait une bosse, il ne faisait pas de grimaces pour si peu. Il était, en outre, extrêmement rusé. Quand il jouait avec ses frères ou des camarades de son âger, bien qu'il fut de beaucoup le plus petit, il gagnait toujours. C'est au jeu de cache-cache, surtout, qu'il se montrait malin. Sa petite taille lui permettait d'utiliser des cachettes invraisemblables. Il disparaissait, par exemple, dans une des bottes fourrées de son père ; ou bien, il se glissait dans un pot à traire les rennes ; ou encore, il s'enveloppait des pieds à la tête dans une peau de lièvre. Les autres passaient à côté de lui sans jamais pouvoir le découvrir. Malgré toutes ses qualités, son père et ses frères ne voulaient pas l'emmener à la hasse. Ils le trouvaient trop petit, voilà ! Mac-Nac demeurait donc avec sa mère, chantonnant au coin du feu. Il surveillait cependant les rennes. Personne ne savait comme lui s'en faire aaimer et obéir. Quand, de sa petite voix fluette, il chantait son refrain favori, les rennes secouaient leurs grandes cornes branchues et accouraient autour de lui. Malgré cela, Mac-Nac s'ennuyait. Il eut voulu prendre part aux grandes chasses, avec son père et ses frères. Un jour, il attela son renne préféré à un petit traîneau, et il dit à sa mère : « Donnez-moi une boussole, afin que je rejoigne les chasseurs qui sont partis vers le Nord. - Une boussole ne suffit pas pour aller à la chasse, dit la mère. - Non, répondit Mn-Nac. Aussi vous demanderai-je encore : 1° Un pistolet pour me défendre contre les ours et les loups ; 2° Des allumettes et un petit bidon de pétrole pour allumer du bois mouillé ; 3° La marmite que voici ! » Il désignait du doigt une vieille marmite sans pieds, toute ronde, avec une ouverture très étroite. « Que feras-tu de cette marmite ? demanda sa mère - Cela, c'est mon secret ! » répondit Mac-Nac Il mit les allumettes dans sa poche, le bidon et le pistolet dans la marmite, et la marmite sur le traîneau. Puis il monta sur le siège et fit claquer sa langue, par deux fois. Aussitôt, le renne démarra. Mac-Nac chantait, pour l'encourager : La ri ri pan pou ! Pan pou la ri rette La ri ri pan pou Pan pan la ri ra ! Le traîneau glissait vite sur la neige. Grâce à la boussole, Mac-Nac se dirigeait droit au nord. Quand le renne fut fatigué, Mac-Nac le laissa se reposer. Le renne se mit à gratter la neige, pour découvrir la mousse, dont il était friand. Pendant ce temps, Man-Nac ramassait du bois pour faire du feu. Le bois était mouillé, mais mac-Nac ayant versé dessus quelques gouttes de pétrole, réussit quand même à l'allumer. Tout à coup, Man-Nac aperçut, au-dessus de sa tête, très haut dans le ciel, un gros oiseau qui planait. « C'est une oie sauvage, ou u cygne des glaces ! » pensait-il. Or, ce n'était point une oie sauvage ni un cygne des glaces, mais un grand aigle des montagnes. L'aigle avait aperçu Mac-Nac. Il s'était dit : « Je vais manger ce petit bout de Lapon ! » Et il descendit rapidement. Mac-Nac vit le danger. Aussitôt, il sauta dans sa marmite, dont il boucha le tou avec un morceau d'écorce de bouleau. L'aigle arrivait au sol. « Tiens ! pensa-t-il. C'est trop fort ! J'avais pourtant bien cru voir un petit bout de Lapon ! » Il aperçut la marmite. « Qu'est-ce que c'est que cette chose ronde ?... Ce doit être un oeuf : je vais le couver ! » Et l'aigle s'accroupit sur la marmite. « Oh ! Oh ! se dit Man-Nac, je ne vais pas rester dans cette position : j'étoufferais ! » Il se mit à chanter La ri ri pan pou Pan pou Aussitôt, l'aigle se souleva en battant des ailes. « Ah ! Ah ! Tu es caché là-dedans, mauvaise graine de Lapon ... Je saurai bien t'en faire sortir ! » L'aigle creva d'un coup de bec l'écorce de bouleau et il mit son oeil gauche au petit trou qu'il venait de faire. Alors, Mac-Nac braqua son pistolet et : boum ! Il étendit l'aigle raide mort sur la neige. Puis il reprit sa place sur le siège du traîneau et continua son voyage vers le nord. Il y avait environ une heure que Mac-Nac avait tué l'aigle des montagnes lorsque le renne, tout à coup, s'arrêta. Mac-Nac fit claquer sa langue pour l'encourager à repartir, mais le renne ne bougea point. IL tremblait de tous ses membres. Il tourna la tête vers Mac-Nac comme pour le prévenir d'un danger. Alors, Mac-Nac regarda autour de lui et il vit un gros ours blanc qui arrivait au grand trot. Mac-Nac fit rouler sa marmite sur la neige et se glissa à l'intérieur. L'ours, affamé, faisait, par avance, claquer ses mâchoires. Le renne eut si grand peur qu'il prit son élan pour se sauver. Mais Mac-Nac se mit à chanter : La ri ri pan pan Pan pou ... Le renne, rassuré par la voix de son maître, ne bougea plus. L'ours se disait : « Je mangerai ce renne tout à l'heure, tranquillement. Mais, auparavant, il faut que je me débarrasse du conducteur ; il doit être caché par ici, quelque part, puisque je l'entends chanter d'une voix de roitelet. » L'ours chercha le conducteur du traîneau pour le manger tout de suite. Il ne vit rien, que cette chose ronde sur la neige... Il s'en approcha et flaira. « Tiens ! Tiens ! Je sens de la viande fraîche ...Est-ce qu'il n'y aurait point, là- dedans, quelque petit bout de Lapon ? » Il mit son oeil droit à l'ouverture de la marmite. Mac-Nac n'attendait que cela ! Il braqua son pistolet et : boum ! Il étendit l'ours, raide mort, sur la neige. Puis il remonta sur le traîneau, consulta sa boussole, fit claquer sa langue par deux fois et continua son voyage, droit vers le nord. Bientôt, le renne s'arrêta de nouveau. Cette fois, c'était une bande de loups qui barrait la route. Le plus gros et le plus affamé des loups prit les devants pour manger le renne et son conducteur. Mais Mac-Nac, réfugié dans sa marmite, tua le loup d'un coup de pistolet dans l'oeil, comme il avait tué l'ours et l'aigle des montagnes. Par malheur, le coup de pistolet n'effraya pas les autres loups. Sentant la chair fraîche, il s'approchèrent à leur tour et firent cercle autour de la marmite. Mac-Nac, pour rassurer le renne, chantait, le plus tranquillement du monde : La ri ri pan pou Pan pou Mais, au fond, il était un peu inquiet, car il n'avait plus beaucoup de cartouches. « Je tuerai bien encore deux ou trois loups avec mon pistolet, se disait-il, mais les autres ? Comment faire pour m'en débarrasser ? » Les loups étaient assis en cercle. Leurs queues touffues, allongées sur la neige, faisaient autour de la marmite comme les rayons d'une roue. Qoudain, la marmite se mit en mouvement ! Toujours chantant, Man-Nac culbutait à l'intérieur de la marmite ; et c'était ce qui la faisait remuer ainsi. Elle roulait sur les queues des loups. Mais les loups ne bougeaient point. Ils se disaient : « Chante ! Culbute ! Fais tout ce que tu voudras ! Nous te mangerons quand même, pauvre petit bout de Lapon ! » Et ils se pourléchaient les babines à l'avance. Or, Mac-Nac faisait autre chose que chanter et culbuter. Chaque fois que la marmite passait sur la queue d'un loup, il versait quelques gouttes de pétrole... Les loups sentirent l'odeur du pétrole. Ils froncèrent le museau ; quelques uns éternuèrent... Mais aucun ne bougea. « Tu finiras bien par montrer ton nez, méchant petit bout de Lapon ! » Quand toutes les queues des loups furent mouillées de pétrole, Mac-Nac fit craquer une allumette... Frtt !... Une queue flamba..., puis une autre..., puis toutes à la fois ! Il fallait voir les loups se sauver en hurlant, avec cette torche derrière eux ! Jamais on n'avait vu de loups se sauver aussi vite ! Mac-Nac sauta hors de sa marmite. Il se bouchait le nez, à cause de l'odeur du poil roussi, et il riait à se tordre les côtes. Il remonta ensuite sur le traîneau, fit claquer sa langue par deux fois, et continua son voyage vers le nord. Mac-Nac ne tarda pas à arriver près du rivage de l'océan Glacial où son père et ses frères chassaient les phoques. Bientôt, il aperçut les tentes en peau de renne sous lesquelles les chasseurs se mettaient à l'abri. Les chasseurs, avec leurs fusils, leurs harpons et leurs lances, avaient tué deux ours et beaucoup de phoques. Ils chantaient fièrement : Jamais un vrai Lapon Ne s'est montré poltron ! Les Lapons de chez nous N'ont jamais peur des loups ! Quand ils cessèrent de chanter, ils entendirent une petite voix de roitelet : La ri ri pan pou ! Pan pou Ils s'écrièrent tous : « C'est Mac-Nac ! » Il s sortirent de leurs tentes. C'était, en effet, Mac-Nac qui arrivait. « Bonjour, Mac-Nac ! Que viens-tu faire ici, pauvre petit rat ? Comment les loups ne t'ont-ils pas mangé en route ? - Les loups ! dit Mac-Nab : j'ai tué le gros et brûlé la queue des petits. J'ai aussi tué un ours blanc et un aigle des montagnes. » Les chasseurs ne firent que rire de ces paroles. Mais, le lendemain, ils tuèrent un loup qui s'était aventuré près des tentes. Et ce loup avait la queue brûlée !... Les chasseurs furent bien obligés, alors, de croire ce que Mac-Nac avait dit. Ils revinrent avec lui au village de Rikévik. Ils trouvèrent, sur leur chemin, le cadavre du gros loup, celui de l'ours à belle fourrure et celui de l'aigle des montagnes. Alors, ils nommèrent Mac-Nac premier chasseur, à cause de son courage et de sa ruse. Et, en arrivant au village, au lieu de leur chanson rude, c'était le petit refrain de Mac-Nac qu'ils chantaient, tout simplement : La ri ri pan pou Pan pou la ri rette ! La ri ri pan pou Pan pan la ri ra !
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