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L'ESPOIR TUE
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Avec la chaleureuse autorisation de l'auteur, Aurélien Réal, et de l'éditeur: Le Grand Souffle Editions
L'espoir tue
Écrire sert le rien, lire ne sert à rien.
« Il faut faire le désespoir des hommes, pour qu’ils jettent leur humanité dans le vaste tombeau de la nature, et qu’en laissant leur être humain à ses lois propres, ils en sortent. »
René Daumal
Je vais écrire un texte au sein de la résistance. Ce ne sera peut-être pas de la vraie philosophie, ni un vrai texte littéraire, mais ce sera une écriture sincère dans la résistance et la guerre de l’homme. Je vais écrire du lieu de l’expérience nUe, autrement… cette parole dure à entendre jusqu’à ce jour. Comment aujourd’hui faire de la philosophie, de la littérature ou un poème… quand « le corps », maintenant, asphyxie dans un camp de concentration et de gazage du dis-positif technique et industriel des temps modernes ?
Continuer à fabriquer un « désir d’espoir » en ce vingt et unième siècle, c’est n’avoir pas accepté de voir cet espoir comme concept-affect-perceptre-couvrant et voilant l’épreuve, en nous, d’une montée d’affect d’origine existentiale. Ne serait-ce pas là le symptôme d’une fragilité et d’une peur de l’inconnu qui fait de l’homme-pensant une autruche devant son péril ? Le « Péril », dont Heidegger aura élaboré l’herméneutique approche à travers le concept « d’Ereignis », est dans mon expérience des limites de la pensée une sensation, aujourd’hui, de la douleur dans la représentation sensorielle du corps. Ce « corps » – mais est-ce le corps, ou une construction mentale ? – menacé par le changement climatique et la pollution à laquelle je-suis excessivement sensitif… la méditation du péril qui menace le corps-de-la-terre, que nous sommes, s’impose dans la sensation de la douleur asphyxiante du mourir. Épreuve cataclysmique pour la représentation « je-corps ». L’estre du Temps de l’Être se joue-t-il dans la douleur ?
J’emploie le mot « être » pour indiquer l’expérience d’un Qui qui n’est pas sujet, mais l’inconnu ouvert. Le mot « être », ici, se départit du cheminement heideggérien en cela que mon écriture est à la merci de mots auxquels je dis merci de me résister-à-dire-l’évidence : la simplicité même de l’expérience vivante de respirer maintenant.
je dis respirer – car depuis l’écriture de l’expérience nUe, le mot « résister » est cela même qui a été balayé par l’épreuve de suffocation physique, dans laquelle le monde de la civilisation industrielle m’a contraint à la douleur du mourir, en lien avec le déploiement de la technique et de la marchandisation de nos chairs. Nos chairs en tant qu’ordure, fumier et compost pour les pompes funèbres de notre sécurité sociale.
Ce qui sauve serait-il dans l’endurance de la pensée ou dans sa déprise jusque dans la sensation et le sentiment ? Et la question se pose : qui a l’amour de la sagesse (philosophie) et qui écrit les textes et qui les interprète et qui est Quoi ?
Ici le quoi est l’épreuve ignifiante du Qui. Le monde en tant qu’ensemble se révèle être mon pire ennemi… ou mon meilleur ami pour aller au cœur du volcan. Aller au cœur du volcan de l’ignifiction, voilà ce à quoi le quoi du monde m’a contraint dans l’expérience nUe.
L’éveil de la douleur du mourir fait mal. Le mal est là dans la ren-contre de quoi vers qui. De qui vers quoi. Car ce sont toutes les volontés de la volonté de pouvoir sur moi et de moi sur les autres qui provoquent et invitent à la guerre de tout contre tout.
Il n’est pas question de prendre pour argent comptant le « dieu est mort » de Nietzsche et « la fin de la métaphysique » de Heidegger sans proclamer aussi que : « la raison pensante est la mort ! » Pour preuve l’enjeu de la tragédie planétaire dans laquelle nous sommes, et que très peu d’intellectuels méditent en profondeur, trop préoccupés de faire procès au philosophe du passé pour ne pas réaliser que leur collaboration collabore à l’idéologie géocidaire du présent.
Ne pas en rester au conditionnement de la post-modernité et de la raison métaphysique : deux farces de la résistance à l’expérience directe de l’effondrement des croyances. Impossible hurlerez-vous ! Rien de ce qui est impossible ne nous est interdit ! Voir nous éviterait d’avoir des boucs émissaires tels Platon — la tête de grec de la modernité ! ou Jésus, Mahomet – les nouveaux coupables ! voire Nietzsche pour d’autres… la métaphysique et l’immanentisme… sortir du désir mimétique et devenir mature, quitter la salle de projection du penseur et de la chose pensée !
L’« Événement » est maintenant, dans la dynamique du temps retourné, celle de l’intelligence du vivant où se conjuguent tous les temps qui sourdent en puissance de l’instant.
Vous confier que je suis arrivé au point où j’apprends à ne plus résister à…
L’Axe du Néant de F. Meyronis face au nihilisme qui nous menace de géocide ? L’hédonisme athée de M. Onfray ? Le retour des religions ? Comment résister ? Et à quoi bon ? Voilà deux questions en une !
Le géocide se produit partout tous les jours. Ne pas alarmer inutilement les populations, qui paniqueraient inutilement, diraient nos politiques de l’espoir pour l’espèce. Ne serait-ce pas qu’en vérité il ne faut pas inquiéter les industriels occupés à piller et violer l’énergie de la terre ? Nous sommes dans le four et le monde fait comme si c’était hier, en scénarisant le devoir de mémoire et de fiction avec sa « moraline » contre l’angoisse. Foutaise ! Affreuse peur de l’homme-fiction désirant des histoires qui font peur encore et encore… Ah ! ce désir d’histoires ! L’homme réfléchit d’un lobe du cerveau sur le mal pour ne pas l’éprouver maintenant en train d’œuvrer dans l’angle mort de sa pensée. Coupé ! La vie (mais était-ce la vie ?) de la planète est menacée, voilà le Quoi du problème apparent. Quand l’effondrement de toutes les représentations s’impose, par un choc, et l’évidente loi de l’impermanence, alors le rien de toute pensée met en échec toutes les stratégies de fuite…
Laisser place à l’intelligence spontanée du silence ! dit le poète hors lieu.
La raison est morte ! et toute sa lumière, comme le « dieu » d’hier, elle ne peut rien contre l’homme endormi dans ses rêves ! Ô miroir ! Ô mouroir en ma vaine jouissance !
Je n’ai aucun espoir à faire fleurir dans la résistance. Non, je dois consentir à mourir à la douleur du « qui » physique, ce couac.
Il faut bien mourir de quelque chose, me dit le « On ». C’est vrai, il faut mourir, mais pas mourir tel que la raison de finitude pense la chose-sous-la-main. Non, mourir dans l’ignifiction de l’impuissance totale, épouser au cœur du volcan la douleur du Qui résistant à sa disparition.
Et si l’homme n’était que ce lieu transitoire d’esquive de l’impensable — la réalité même ? Ce qui l’aura aidé et constitué un temps : la pensée réflexive, fonction de représentation de l’inconnu, devient maintenant un obstacle générique à la pression de l’intelligence du vivant qui l’excède de part en part ? À la différence d’Alain Badiou qui croit en un être mathématisable, je réalise dans ma solitude que c’est le non-savoir de tout sur tout qui est ma réalité. Le savoir et le connaître sont du domaine de l’ignorance qui sépare et travaille (par le négatif refoulé et apparent – science de l’ontique) avec l’intell-igence de l’énergie du vivant. Ne sommes-nous pas dans une crise de saturation sémiotique et sémantique qui nous fait perdre l’assurance dictatoriale de notre habitude à identifier les rapports du signifiant au signifié selon des affects subconscients et un corps inconscient ? Portée par les philosophes, les poètes et les artistes, la modernité, depuis Nietzsche et Artaud, prône « l’absolu du corps », mais nous allons dans cette catastrophe éco-égo-logique avec des corps niés et génocidés !
En mon bunker de Melun mon amour, le corps, cet inconnu, a asphyxié jusqu’à hurler muettement sans que personne… personne ! RIEN ! L’épreuve de l’impuissance, de l’impasse et de la totale solitude a été la réponse !
Et le monde de faire « comme si de rien n’était » ! Quand bien même Godot serait là, dans tous les camps d’extermination, je suis persuadé qu’il n’y aurait qu’un ridicule pourcentage d’individus pour lui tendre la main et accepter d’être sauvé. Sous couvert de l’impuissance de « Dieu » et d’un « Mal absolu » qui tenaillerait l’humanité, le pape, au nom (non) de l’Église, accrédite cette croyance, voilant, selon mon expérience, LA résistance dans l’homme à ce qui le sauve depuis toujours.
Ce dont les représentations religieuses et scientifiques nous coupent, c’est de l’expérience directe des trois points d’entrée et de sortie existentiaux (de la bulle mentale) que sont la jouissance, l’angoisse et la douleur, d’où s’éveille le noble sentiment du désespoir face à l’impasse humaine. Il n’y a nulle part où aller. L’ENFER EST PSYCHO-PHYSIQUE, voilà le principe de réalité que le monde fuit, et pour cause… si nous n’avions pas peur de l’intelligence non duelle, nous réaliserions que « le mal absolu » est le point d’épreuve où notre porosité est convoquée, par la confrontation avec l’inconcevable de l’homme, orchestrant le piège du pire ; miroir de notre dureté à recevoir, à accueillir la fin de toute illusion, l’amour pour nul objet.
Le nihilisme n’est rien d’autre qu’une phase par laquelle tout individu et toute civilisation doivent passer afin de prendre conscience des illusions… entraînant la déconstruction et la dissolution de tous les schèmes de la mémoire qui nous sépare de l’intelligence non-mentale.
Et si nous étions à ce point d’ignifiction où l’intelligence de la puissance de vie livre le fond du secret et du mystère soi-disant « impensable » du « mal » ? Ce mal à vivre. Et si nous n’étions encore jamais nés à la vie telle qu’en elle-même ?
La « réalité » comme masque du réel.
Cette crise de toutes les représentations est une aubaine pour le sentiment et la sensation d’autre chose. Encore faut-il consentir à l’angoisse et à la douleur ainsi qu’à la jouissance pour toucher la triade du désespoir. S’éveille alors spontanément la vision pénétrante de l’impasse inéluctable !
Dans l’abîme du mourir, par dioxine de nos ordures, la moindre pensée se révèle être la productrice des douleurs et phantasmes de l’être-pour-la-mort. Chut !
La lucidité est donc sans espoir. Lecture de Cioran comme antidote à toute tentation de fuite pour éprouver enfin l’impasse, qui nous sauve par adhésion à la souffrance du monde.
« La méprise dans laquelle vivent les domestiques – et tout homme qui adhère au temps est un domestique – représente un véritable état de grâce, un obscurcissement ensorcelé ; et cette méprise – ainsi qu’un voile surnaturel – couvre la perdition à laquelle s’expose tout acte engendré par le désir. Mais pour l’oisif détrompé, le pur fait de vivre, le vivre pur de tout faire, est une corvée si exténuante, qu’endurer l’existence telle quelle, lui paraît un métier lourd, une carrière épuisante – et tout geste supplémentaire, impraticable et non avenu. »
QUOI résiste à QUI ?
Puis-je répondre à la Question si je n’ai pas eu l’expérience voyante qui monstre le film du penseur-pensant comme une bulle où le temps et l’espace sont les produits de ce film ? En cercles superposés et vicieux nous sommes structurés en un langage (chiffre-mot-image) dualiste qui opère et désire forclore le vide-plein-de-la-joie sans mesure !
Donc qui est qui pour résister à quoi ? Quoi étant selon l’expérience ce qui n’est pas moi, c’est-à-dire non-moi. Ce non-moi, ce je qui est un autre, ce tout autre, ces autres, ce monde, ce quoi… Ce quoi pourrait-il être autre que ce que je suis ? La question est intense et irrésistible ! La question est un éprouvé si extrême qu’elle nécessite un retournement de la pensée pour répondre à l’énigme. Intenable dans la sensation et le sentiment, le volume de mon exister veut une réponse.
Qu’est-ce que penser nous cache ?
Qui suis-je ?
Retourner l’index de la pensée du dehors du je vers lui-même, voir sa peau est un tour de force inhabituelle pour le penseur. Ainsi, le quoi interrogé fait face à son qui. Éprouver sa résistance maintenant dans le retournement vers un « je » qui se voit visé, lui qui se dissémine et se dissimule dans le fait de penser en mots et images son oubli vers le quoi.
Qui-Quoi sont dans le même bateau… À quoi bon interroger le qui me direz-vous ? Dans l’angoisse de la douleur du mourir il y a cette sensation, ce sentiment que, ce qui fabrique l’impasse est le passage d’un consentir à perdre la production et la chose produite. De l’intensité de la Question brûle l’industrie de la culture du rêve. Voilà le grand art ! La solitude et son impuissance face au quoi nous imposent…
Ne plus résister, ou ne plus faire comme si de rien n’était : c’est ! Le mourir est ce qui est en cours sans tarder. Cela aura toujours été. Et ce mourir, serait-ce mourir à ce qui fabrique la souffrance, la douleur et le cadavre ? Oui, c’est cela, je le sens ; ça se vit paradoxalement. Car à force de mourir exilé, ignoré de tout le monde, seul, inexistant ??? à force de mourir par asphyxie d’être-au-monde, s’éveille autre chose que qui ou quoi. Au cœur de la résistance du qui contre quoi est l’irrésistible abandon à ce qui est au cœur, le secret agissant tel le cœur de la fleur qui peut enfin donner. Donner ce qui est puissance aimante au cœur du creux du mal de la chambre à gaz mondiale, depuis toujours.
Qui suis-je ?
Le pistolet de la Question contre la tempe. Hold-up ! Épochè spontanée et ultime, qui ne laisse plus aucune place à l’a priori d’aucune sorte, que ce soit du quoi-monde ou de la cause de nos effets. Ni cause ni effet ! Ni production ni chose produite ! Ni être ni non-être ! Ni être ni étant ! Ni être ni penser le même ! Qui suis-je ?
Qu’on le veuille ou non, tous les hommes sont conviés à ce point d’ignifiction où disparaissent dieu(x) et diable(s), la raison et l’irrationnel, le corps et l’esprit, l’être et sa dangerosité dans le « péril ».
Ni dieu ni maître ni diable ni raison ! Ni arrière monde ni devant monde ! Ni esprit ni matière !
AUTRE CHOSE
Oser se laisser choir dans le volcan de la Question sans distraction des questions, c’est être invité au cœur du questionneur et répondre à l’appel de la puissance de la vitesse du vide qu’est la vie nouvelle ! Zone à risque du qui perd quoi gagne !
Quoi ?
Elle est re- trouante ? trouvante ? tournante ?
L’amour
Qui !
Je viens d’écrire un texte qui de la guerre dans les lettres conduit à la solitude aimante de l’homme sans pour-quoi.
(texte publié dans la revue "La Soeur de l'Ange - 5")
Source: http://e-crisis.hautetfort.com/
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