D'un mur à l'autre
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Publication : 2008-09-09
Lu par Ka00
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Alain Garot
58 ans, natif d'un petit village ardennais, l'auteur est marié, père de 8 enfants, dont une fille handicapée de 22 ans, adoptée à l'âge de 6 mois, et trois petits anges partis trop tôt rejoindre le ciel. Aujourd'hui il travaille en Picardie, au sein d'une grande fondation qui vient en aide aux jeunes en difficultés sociales et familiales.Sites d'Alain GAROT: http://pleindepages.fr
http://www.e-monsite.com/alaingarot
58 ans, natif d'un petit village ardennais, l'auteur est marié, père de 8 enfants, dont une fille handicapée de 22 ans, adoptée à l'âge de 6 mois, et trois petits anges partis trop tôt rejoindre le ciel. Aujourd'hui il travaille en Picardie, au sein d'une grande fondation qui vient en aide aux jeunes en difficultés sociales et familiales.Sites d'Alain GAROT: http://pleindepages.fr
http://www.e-monsite.com/alaingarot
Alain Garot
D'un mur à l'autre
Un bémol de souffrance
Le L.P.U (L.P.U. signifie « Libre Plus Ultra »),
site littéraire mondialement renommé, fait un appel à textes sur le
thème de « la Liberté ». Voici ce que je me suis permis d'adresser :
J'étais là depuis des années. Oublié. La chute du mur avait fait grand bruit ;
mais moi je mourais en silence devant ma télé, seul dans la cellule de mon pays libéré.
Et je voyais chaque jour aux infos défiler…
tous ces paysages tant aimés, ces hommes de mon âge et même ces enfants,
si semblables à ceux qu'on m'avait enlevés.
Ô Ruche follement animée d'un même appétit farouche de revivre et de mieux consommer.
J'étais seul et j'avais comme l'aigreur de quelqu'un qui vient d'avaler son morceau
de travers.
Car ma lutte, et celle de tant d'amis…
Tout ce sang versé… Toutes ces familles brisées. Mon Dieu…
Qu'en avaient-ils donc fait ?
***
Je les avais reçus un beau matin.
Claquement de portes. Hommes à chapeau.
Un peu comme du temps de la gestapo.
Ils avaient été directs : « Du fait que tu n'as pas voulu transiger, malgré les beaux cadeaux qu'on t'a faits… Et puisque les menaces n'ont pas suffi, même en touchant à ta femme et à tes petits… Alors cette fois c'est bien fini :
En voiture Simone… Direction la cour piétonne ! »
Tout ça parce que je n'étais pas d'accord avec leur parti.
Et que je n'en démordais pas, dussé-je le payer de ma vie.
Combien de fois m'a-t'on rabâché :
– Putain l'ami… Pourquoi tu leur as pas dit oui ?
Mais c'était en moi. Plus fort que moi. Si mon oui avait été oui, alors je l'aurais dit.
Déjà mon père était comme ça… Lui qui me rappelait souvent :
« Souviens-toi gamin, on n'est vraiment homme que quand on sait dire non ».
Et depuis je pense à lui.
À Sa lutte pour le bien, pour le beau, le vrai. Sans concession.
Même sur son journal de guerre qu'on nous a rendu après sa mort au champ d'honneur, il dit tout ça clairement : « Si je donne ma vie, c'est pour mon pays ; c'est pour vous… mes enfants, mes amis !
Pour que demain vous ne connaissiez plus ces tueries ! »
Mais demain est déjà aujourd'hui. Que reste-t-il de son bel idéal ?
Eh bien voilà : ils ont fait cocu le pays de mon père !
Ils l'ont vendu contre un cours en bourse, une promotion prétendue syndicale, une pilule libérale.
Même les cathos, ils ont troqué leurs évangiles contre une partie de piano.
Ils auraient dû la dire leur belle histoire ; la dire et la redire… C'était
joliment beau !
Mais ils ont faits comme l'autruche.
Tête dans le sable, c'est beaucoup plus fasto.
Mon copain de prison, lui, croyait en un autre Dieu que la bête.
Il n'avait pas non plus transigé et on l'avait bien sûr enfermé.
Il m'a raconté son église du silence, la communauté dans laquelle il vivait.
Comme au temps des premiers apôtres, quand on partageait tout et qu'il n'y avait plus de pauvre.
Auprès de moi je le sentais serein.
Moi, ma détention a brisé mon ménage.
Ma femme est partie avec un autre ; et je n'avais même pas un Dieu pour me donner courage.
J'étais là… enfermé, seul avec mon combat.
Souvent tenté de faire marche arrière, mais jamais vraiment décidé.
***
Pourquoi, pensai-je, se sont-ils laissés tromper ?
Une étrange baguette magique les aurait-elle transformés en orphelins...
gavés de démocratie… à bas prix ?
Leur faisant croire qu'après le mur tombé on leur fourguerait le pack du bonheur…
Qu'ils pourraient vivre et consommer encore sans avoir à se battre.
Que le tyran était mort.
J'aurais voulu crier. Mais je n'en avais plus la force, tellement j'avais donné.
Ah ! Mon pays… Mes frères, mes amis.
La bête vous a remis dans une autre prison, plus subtile, apparemment virtuelle
mais néanmoins bien réelle : vous n'y êtes plus enfermés, c'est vous qui la possédez.
Nul besoin de vous incarcérer, il suffit de la laisser faire.
Vous n'avez plus qu'à lui demander pour être approvisionnés.
En échange elle vous dira de vous taire et surtout de ne pas trop penser.
Homme aujourd'hui, clone demain : elle a tout préparé.
Moi, il m'aura fallu ces longues années de prison pour comprendre à quel point
cette bête est immonde !
Comme un ver de terre amputé d'un anneau, elle ne meurt pas... continue à ramper.
Elle revient encore, elle est même revenue…
plus maléfique que jamais, porteuse cette fois de sa toute nouvelle promesse
de bonheur.
Et la masse aveugle s'est ruée sur l'appât.
***
Je suis resté seul dans ma cellule. On a ouvert ma porte, je n'ai pas été surpris.
Je n'ai pas cherché à sortir…
De rage, de colère j'ai crié : je resterai !
***
Et depuis…
Quand j'entends l'hymne national, et même l'international…
Quand je les vois tous chanter, dans leurs stades pleins à craquer... Il n'y a qu'un seul mot qui me fasse bien marrer : Liberté !
---------------
Rapidement j'ai eu des nouvelles.
Max, le webmaster du L.P.U, me dit qu'il a apprécié mais qu'il est un peu gêné.
Que si le texte est bon, la trame est à changer. Certains lecteurs pourraient être
choqués !
Alors j'ai repris ma prose et gentiment je l'ai remercié, au nom de...Ma Liberté !
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D'un mur à l'autre
Un bémol de souffrance
Le L.P.U (L.P.U. signifie « Libre Plus Ultra »),
site littéraire mondialement renommé, fait un appel à textes sur le
thème de « la Liberté ». Voici ce que je me suis permis d'adresser :
J'étais là depuis des années. Oublié. La chute du mur avait fait grand bruit ;
mais moi je mourais en silence devant ma télé, seul dans la cellule de mon pays libéré.
Et je voyais chaque jour aux infos défiler…
tous ces paysages tant aimés, ces hommes de mon âge et même ces enfants,
si semblables à ceux qu'on m'avait enlevés.
Ô Ruche follement animée d'un même appétit farouche de revivre et de mieux consommer.
J'étais seul et j'avais comme l'aigreur de quelqu'un qui vient d'avaler son morceau
de travers.
Car ma lutte, et celle de tant d'amis…
Tout ce sang versé… Toutes ces familles brisées. Mon Dieu…
Qu'en avaient-ils donc fait ?
***
Je les avais reçus un beau matin.
Claquement de portes. Hommes à chapeau.
Un peu comme du temps de la gestapo.
Ils avaient été directs : « Du fait que tu n'as pas voulu transiger, malgré les beaux cadeaux qu'on t'a faits… Et puisque les menaces n'ont pas suffi, même en touchant à ta femme et à tes petits… Alors cette fois c'est bien fini :
En voiture Simone… Direction la cour piétonne ! »
Tout ça parce que je n'étais pas d'accord avec leur parti.
Et que je n'en démordais pas, dussé-je le payer de ma vie.
Combien de fois m'a-t'on rabâché :
– Putain l'ami… Pourquoi tu leur as pas dit oui ?
Mais c'était en moi. Plus fort que moi. Si mon oui avait été oui, alors je l'aurais dit.
Déjà mon père était comme ça… Lui qui me rappelait souvent :
« Souviens-toi gamin, on n'est vraiment homme que quand on sait dire non ».
Et depuis je pense à lui.
À Sa lutte pour le bien, pour le beau, le vrai. Sans concession.
Même sur son journal de guerre qu'on nous a rendu après sa mort au champ d'honneur, il dit tout ça clairement : « Si je donne ma vie, c'est pour mon pays ; c'est pour vous… mes enfants, mes amis !
Pour que demain vous ne connaissiez plus ces tueries ! »
Mais demain est déjà aujourd'hui. Que reste-t-il de son bel idéal ?
Eh bien voilà : ils ont fait cocu le pays de mon père !
Ils l'ont vendu contre un cours en bourse, une promotion prétendue syndicale, une pilule libérale.
Même les cathos, ils ont troqué leurs évangiles contre une partie de piano.
Ils auraient dû la dire leur belle histoire ; la dire et la redire… C'était
joliment beau !
Mais ils ont faits comme l'autruche.
Tête dans le sable, c'est beaucoup plus fasto.
Mon copain de prison, lui, croyait en un autre Dieu que la bête.
Il n'avait pas non plus transigé et on l'avait bien sûr enfermé.
Il m'a raconté son église du silence, la communauté dans laquelle il vivait.
Comme au temps des premiers apôtres, quand on partageait tout et qu'il n'y avait plus de pauvre.
Auprès de moi je le sentais serein.
Moi, ma détention a brisé mon ménage.
Ma femme est partie avec un autre ; et je n'avais même pas un Dieu pour me donner courage.
J'étais là… enfermé, seul avec mon combat.
Souvent tenté de faire marche arrière, mais jamais vraiment décidé.
***
Pourquoi, pensai-je, se sont-ils laissés tromper ?
Une étrange baguette magique les aurait-elle transformés en orphelins...
gavés de démocratie… à bas prix ?
Leur faisant croire qu'après le mur tombé on leur fourguerait le pack du bonheur…
Qu'ils pourraient vivre et consommer encore sans avoir à se battre.
Que le tyran était mort.
J'aurais voulu crier. Mais je n'en avais plus la force, tellement j'avais donné.
Ah ! Mon pays… Mes frères, mes amis.
La bête vous a remis dans une autre prison, plus subtile, apparemment virtuelle
mais néanmoins bien réelle : vous n'y êtes plus enfermés, c'est vous qui la possédez.
Nul besoin de vous incarcérer, il suffit de la laisser faire.
Vous n'avez plus qu'à lui demander pour être approvisionnés.
En échange elle vous dira de vous taire et surtout de ne pas trop penser.
Homme aujourd'hui, clone demain : elle a tout préparé.
Moi, il m'aura fallu ces longues années de prison pour comprendre à quel point
cette bête est immonde !
Comme un ver de terre amputé d'un anneau, elle ne meurt pas... continue à ramper.
Elle revient encore, elle est même revenue…
plus maléfique que jamais, porteuse cette fois de sa toute nouvelle promesse
de bonheur.
Et la masse aveugle s'est ruée sur l'appât.
***
Je suis resté seul dans ma cellule. On a ouvert ma porte, je n'ai pas été surpris.
Je n'ai pas cherché à sortir…
De rage, de colère j'ai crié : je resterai !
***
Et depuis…
Quand j'entends l'hymne national, et même l'international…
Quand je les vois tous chanter, dans leurs stades pleins à craquer... Il n'y a qu'un seul mot qui me fasse bien marrer : Liberté !
---------------
Rapidement j'ai eu des nouvelles.
Max, le webmaster du L.P.U, me dit qu'il a apprécié mais qu'il est un peu gêné.
Que si le texte est bon, la trame est à changer. Certains lecteurs pourraient être
choqués !
Alors j'ai repris ma prose et gentiment je l'ai remercié, au nom de...Ma Liberté !
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Cet enregistrement est mis à disposition sous un contrat Creative Commons.
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