AGENT DE L'O.M.U.
Un roman fanique d'André Borie

CHAPITRE II : FUITE DANS L'INCONNU
Section 2E

Celle dont ils s'inquiétaient venait d'échapper miraculeusement à une patrouille de deux soldats qu'elle avait repérée une fraction de seconde avant qu'ils ne la découvrent. Recroquevillée parmi les racines aériennes d'une sorte de banian, elle les avait vu passer à moins de cinq mètres de sa cachette.

Sa situation devenait intenable. Non seulement elle risquait à tout moment de se jeter dans les bras de ceux qui la pourchassaient, mais sa blessure à l'épaule, malgré les médicaments qu'elle avait absorbés, lui causait une douleur sourde qui laissait supposer que les dégâts étaient beaucoup plus importants que ce qu'elle avait estimé au début. Malgré son optimisme habituel, elle voyait un avenir bien sombre se profiler devant elle, mais cela n'altérait pas son énergie indomptable, et elle comptait bien vendre chèrement sa peau lorsque la partie de cache-cache se terminerait.

Soudain, elle ressentit un picotement au niveau de son poignet valide. Son minicom. Ce ne pouvait être que Stev qui l'appelait, malgré ses ordres. Après avoir juré entre ses dents, elle enclencha le répondeur avec son menton, et murmura :

– Oui ?
– Le bois grouille de soldats. J'ai repéré ta position, et dans cinq minutes nous serons à ta verticale. Monte à notre rencontre, mais reste planquée dans le haut du feuillage. Quand je te donnerai le “ top ”, tu auras exactement trois secondes pour te glisser à l'abri de l'écran SH avant que je le réactive.
– Je t'avais pourtant ordonné de ne pas m'attendre en cas de danger !
– Ma jolie, c'est moi qui tiens les cartes en main. Et je les utilise comme cela me convient ! Tu pourras râler autant que tu voudras, mais seulement quand on t'aura récupérée ! On arrive dans quatre minutes trente. Tienstoi prête. À tout de suite, et bonne chance !
– O.K, tête de mule ! Tu ne perds rien pour attendre ! Mais… merci quand même.
Un petit rire retentit dans le minicom et l'émission fut coupée.
Masas observa autour d'elle avec attention et, assurée qu'aucun ennemi ne se trouvait à proximité et soulagée d'être ainsi momentanément en sécurité, elle se servit de son propulseur anti-g pour s'élever le long d'un tronc et pénétrer au coeur des frondaisons. Elle se jucha sur une des plus hautes branches et commença son attente, le regard rivé sur la trotteuse de son chronomètre. Avec un petit sourire amusé, elle se remémora les dernières phrases du pilote, et en son for intérieur, le remercia de tout son coeur des risques qu'il prenait pour venir à son secours.

Elle n'eut pas besoin de consulter sa montre pour savoir que le Coeur de Fomalhaut était en approche : le sifflement strident provenant des tirs des navettes lui indiqua que le vaisseau se mettait en place au-dessus d'elle.
Elle porta son minicom à l'oreille, prête à s'élancer hors du feuillage dense dès que retentirait le signal de Stev.
Le picotement familier au niveau du poignet l'avertit qu'il allait entrer en contact :

– Je t'écoute.
– Je vais utiliser toutes les armes du “ Coeur ” en même temps. Cela va obliger les navettes à se disperser pour éviter une surcharge de leurs écrans. Quand je crierai “ vas-y !”, je désactiverai le nôtre pendant trois secondes. Ce sera à toi de jouer !
– Bien reçu.
Le tonnerre se déclencha au-dessus de Masas, preuve que le pilote passait à l'action.
– Vas-y ! !
Masas lança son propulseur à fond, jaillit comme un boulet de canon hors de sa cachette végétale, et eut juste le temps d'apercevoir la coque arrondie du vaisseau avant d'être happée par un rayon tracteur qui l'amena sans la moindre douceur à l'intérieur du sas béant. Elle atterrit brutalement contre une des cloisons et se retrouva allongée sur le plancher, sonnée pour le compte.

Son évanouissement fut de très courte durée, et elle se redressa avant que Corton Naguèse ne parvienne à sa hauteur. C'est cependant avec reconnaissance qu'elle accepta qu'il la soutienne pour l'amener jusqu'au poste de pilotage.

Stev lui jeta à peine un coup d'oeil, tout à ses manoeuvres, mais il pâlit un peu à la vue de son visage creusé par la souffrance et de la blessure qui ensanglantait son épaule.

– Ca ira ?
Elle hocha affirmativement la tête, trop fatiguée pour parler. Corton l'accompagna jusqu'à un des fauteuils sur lequel il la sangla. Puis il alla s'installer au poste de copilote.

– Goral et Calek ?
– Ne t'inquiète pas, ils sont dans la cabine.
Le petit vaisseau commença à sauter, à virevolter, à se cabrer, à se renverser, tandis que Stev redressait sa course avec dextérité. Il allait manifester sa joie d'avoir une fois de plus vaincu les conditions épouvantables de Lupus IV , quand un cri de son ami l'alerta.

– Stev ! Un vaisseau !
Le pilote aperçut sur son écran la masse énorme d'un astronef de combat qui se précipitait vers eux.
Il tenta une esquive désespérée tout en donnant le maximum d'énergie à son écran défensif. Mais pris dans le faisceau des armes du géant de l'espace, celui-ci commença rapidement à donner des signes de faiblesse.

– Accrochez-vous ! On va essayer de passer dans l'entre-espace avant que l'écran s'effondre !
– Tu es fou ! Si près de la planète et sans atteindre la vitesse nécessaire !
– On n'a pas le choix !
Stev exécuta sa manoeuvre au moment même où l'écran défensif du Coeur de Fomalhaut cédait, et le petit vaisseau, touché par une ultime salve, trembla de toute sa membrure avant de basculer, désemparé, dans l'entreespace.
Destination, l'inconnu…