Agent de L'O.M.U.(1C)
Enregistrement : Éditions de l'À Venir
Publication : 2008-11-29
Genre: Science fiction
Lu par Christian Martin, Christophe, Ezwa, Fred, Kaael, Ka00, Mario Fecteau
Illustration: Dimitri RASTORGOUEFF
Livre audio de 25min
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Chapitre 1C
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Adaptation audio d'un roman fanique d'André Borie se déroulant dans l'univers de Perry Rhodan. "Les Antis font des leurs et Masas Pavel, agent de l'O.M.U., sous les ordres du Lord-Amiral Atlan, est envoyée sur le terrain pour libérer Goral Toseff."
Musiques & paroles de Christian Martin / NewPort Orchestra
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Adaptation audio d'un roman fanique d'André Borie se déroulant dans l'univers de Perry Rhodan. "Les Antis font des leurs et Masas Pavel, agent de l'O.M.U., sous les ordres du Lord-Amiral Atlan, est envoyée sur le terrain pour libérer Goral Toseff."
Musiques & paroles de Christian Martin / NewPort Orchestra
AGENT DE L'O.M.U.
Un roman fanique d'André Borie
CHAPITRE PREMIER : DANS L'ENFER DE LUPUS IV
Section 1C
Émergeant du cañon, ils se coulèrent parmi la végétation luxuriante que tapissait une boue favorable à l'essor des mauvaises herbes, et se faufilèrent entre les arbres aux troncs énormes, mais à la hauteur limitée par les conditions météo cycloniques qui régnaient sur Lupus IV. Les frondaisons basses mais denses de la forêt les protégeaient momentanément de tout risque de découverte. Mais la prison se trouvait au milieu d'un no-man's land stérile, où toute pousse végétale était éradiquée régulièrement au thermo-radiant.
Le satellite de Lupus IV répandait une lumière parcimonieuse qui ne traversait en aucun endroit l'épais plafond de feuilles, obligeant les deux compagnons à allumer les lampes qui pendaient sur leur poitrine afin d'éclairer leur progression. Il leur fallut près de deux heures pour atteindre la zone dénudée entourant la forteresse, car ils avaient cessé d'utiliser leurs réacteurs propulseurs anti-g par précaution dès qu'ils avaient estimé pouvoir être repérés.
– Nous allons utiliser nos déflecteurs pour nous rendre invisibles aux gardes et aux écrans de surveillance.
Mais il est probable qu'il y ait également des détecteurs thermiques, aussi tu vas enfiler cette résille.
Fouillant dans son sac à dos, la jeune femme en retira une sorte de vêtement arachnéen fabriqué dans une espèce de voilage plastifié. Elle le lui tendit.
– C'est imperméable aux infrarouges, et dès que tu mets la cagoule qui est dans la poche droite, le tissu emprisonne la chaleur de ton corps... pendant un certain temps du moins.
– Dommage que je n'ai pas eu ce gadget lors de mes expéditions ! En tout cas, avec les déflecteurs et ce machin , notre entrée dans la prison devient presque une promenade de santé !
– Alors, prie tes dieux pour qu'il n'y ait pas de prêtre de Bâalol en service, car avec leurs facultés psi, ils sont capables de détecter nos ondes cérébrales malgré nos précautions.
Pendant quelques minutes, ils contemplèrent les murs de la sinistre prison où tout était calme. Masas se tourna vers Stev et chuchota :
– Ce fichu temps va finalement nous rendre service.. Les rafales de vent et la pluie qui tombe depuis un petit moment vont sérieusement diminuer la visibilité, ainsi que l'attention des gardes qui sont forcément blasés par ces conditions météo habituelles.
– Bon, allons-y !
D'une allure souple et régulière, l'agent de l'O.M.U. et le pilote franchirent le kilomètre de terre dénudée qui menait à l'entrée de la forteresse. Ils s'arrêtèrent, à peine essoufflés, au pied d'un des hauts murs du rempart.
Étant invisibles, il leur fallut quelques instants pour se retrouver au toucher .
Masas saisit son compagnon par le poignet et l'entraîna jusqu'à la sortie du collecteur des égouts qui se déversaient dans une petite rivière au courant important.
Bonjour l'hygiène, ne put s'empêcher de penser Stev en voyant les immondices de toutes sortes disparaître au fil de l'eau.
Mais déjà, sans s'occuper de l'aspect extérieur des choses, la jeune femme l'entraînait derrière elle en rampant dans le conduit.
Cette balade sur le ventre, en se glissant dans un tuyau à peine assez large, et en remontant le courant tout en se faisant percuter continuellement par des détritus de tous genres, et qui plus est dans l'obscurité – car Masas ne voulait pas courir le moindre risque d'être découverts – devait rester un bon moment ancré dans leur mémoire.
Mais tout a une fin, et ils finirent par aboutir à une grille aux barreaux épais construite en terkonite.
La jeune femme retint le bras de Stev qui se préparait à découper la serrure au laser. Elle fit courir le faisceau lumineux de sa lampe sur toute la surface de l'obstacle qui les interrompait dans leur progression, et d'un léger coup de coude attira l'attention du pilote sur un mince fil presque translucide qui était en contact avec l'un des gonds. Si la porte s'ouvrait, nul doute qu'une alarme se déclencherait à l'intérieur de la prison.
Masas entreprit de desceller les barreaux un à un au laser, en évitant tout choc qui aurait pu activer le système de sécurité. Stev commençait à trouver le temps long, lorsque la jeune femme déposa le dernier barreau au sol et l'invita à la suivre.
Les deux égoutiers d'occasion poursuivirent leur cheminement parmi les détritus et finirent par aboutir dans une salle au plafond bas. Une volée de marches suintantes d'humidité permettait d'accéder à une plate-forme triangulaire dont le sommet tronqué se terminait sur une porte. Ils s'y hissèrent.
Passant machinalement la main sur sa combinaison pour en enlever les déchets peu ragoûtants qui la souillaient, Masas examina les lieux à la lumière de sa lampe. Apparemment, il s'agissait d'une sorte de carrefour où aboutissaient six collecteurs d'égouts. La plate-forme menait visiblement à l'intérieur de la forteresse. Mais à quel endroit ?
La jeune femme hésita un court instant : fallait-il entrer par cette porte ou continuer par l'un des collecteurs ?
Avec un haussement d'épaule, elle choisit la première solution et entreprit l'examen de la serrure. Stev la poussa légèrement sur le côté en murmurant :
– Laisse, c'est ma spécialité.
Elle lui jeta un coup d'oeil et acquiesça d'un signe de tête. Le pilote fouilla dans une des poches de sa combinaison et en extirpa un petit boîtier muni de deux fils métalliques souples. Il appliqua ces derniers de part et d'autre de la serrure magnétique, manipula un curseur tout en surveillant les indications qui s'incrustaient sur le petit écran. Puis il introduisit un petit rectangle de plastique dans la fente entre la porte et le chambranle.
– Le système d'alarme est désactivé. Est-ce que j'y vais ?
– Hon hon.
Masas s'écarta un peu de la porte en braquant l'arme qu'elle venait de sortir de son étui.
– Un pistolet à aiguilles ! s'étonna le jeune homme.
– C'est ce qui est le plus silencieux , et qui ne dégage aucune énergie qui puisse être repérée.
– Pour éviter le bruit, moi, j'utilise le couteau de jet.
Stev s'affaira quelques instants en glissant sa carte alternativement vers le bas et vers le haut. Un léger déclic se fit entendre. Avec infiniment de précautions, il commença à entrouvrir la porte de quelques centimètres. Il glissa un oeil par la fente, mais n'aperçut qu'une salle ronde, vide de tout occupant. Il ouvrit plus franchement et invita :
– Après vous, ma jo… euh, Masas.
Avec un sourire amusé, l'envoyée d'Atlan se glissa dans l'ouverture, tous les sens en éveil. Puis elle fit signe au pilote de la rejoindre.
– Peux-tu la refermer sans la verrouiller ? En cas de retraite précipitée.
– Pas de problème.
Debout au milieu de la pièce nue, ils fixèrent leur regard sur les deux portes diamétralement opposées qui menaient sur… ailleurs.
– Laquelle ? interrogea Stev.
Avec une moue dubitative, Masas lui répondit :
– La gauche.
Et s'avançant de quelques pas, elle appliqua la paume de sa main à l'emplacement d'ouverture. Sans le moindre bruit, la porte coulissa dans le mur, leur révélant un couloir éclairé à giorno. Ils s'y engagèrent, arme au poing, sur le qui-vive.
Au moment de refermer la porte, Masas eut un haut-le-coeur. Elle saisit Stev par le bras et le ramena dans la salle qu'ils venaient de quitter.
– Ben, qu'est-ce qui t'arrive ?
– Les traces.
Il suivit du regard ce qu'elle lui désignait : les marques de leurs pas, humides et parfois constellées de parcelles innommables.
– Il faut essuyer tout cela, sinon les Antis ne tarderont pas à savoir qu'ils ont des visiteurs.
– Et de l'autre côté, dans le couloir ?
– Je m'en occupe tout de suite.
Elle ouvrit furtivement la porte, s'assura que le couloir était toujours désert, s'accroupit et effaça rapidement les trois empreintes qui s'y trouvaient à l'aide d'un foulard qu'elle avait sorti d'une poche de sa combinaison.
– Tu avais peur de prendre froid au cou ?
– Non, c'est mon porte-bonheur.
Puis, l'air dégoûté, elle fit de même avec celles qui se trouvaient dans la salle, avant d'essuyer les semelles de leurs bottes souples. Elle fit une boule du linge souillé et le remit en poche.
– Cette fois, je crois qu'on peut y aller.
La traversée du couloir se fit sans incident, et ils aboutirent dans une rotonde où s'ouvraient quatre portes.
Sans hésiter, Masas entrouvrit la plus proche, découvrit une salle-radio vide et la referma aussitôt. Elle ouvrit successivement les deux suivantes et les referma de même. La quatrième lui offrit ce qu'elle cherchait : un escalier montant. Devant l'air interrogateur de son compagnon, elle expliqua :
– Logiquement, si on veut garder des prisonniers, il vaut mieux les enfermer au centre de la forteresse.
Comme ici nous sommes au niveau des égouts, il faut forcément remonter.
Elle s'y engagea, suivie du pilote qui referma soigneusement dans son dos. Sur la pointe des pieds, ils gravirent une vingtaine de marches, l'oeil et l'oreille aux aguets et l'arme au poing. Soudain, Masas s'arrêta et se retourna vers Stev, l'index devant la bouche. Puis elle montra trois doigts. Le pilote hocha la tête, montra deux de ses doigts en se désignant, puis un doigt qu'il dirigea vers Masas. Mais celle-ci lui signifia sa désapprobation et inversa les rôles : un pour Stev, les deux autres pour elle. Avec une grimace de désappointement, le jeune homme s'inclina. Ils poursuivirent leur montée et s'efforcèrent d'apercevoir leurs adversaires dès qu'ils atteignirent le haut des marches.
A première vue, l'escalier débouchait sur une salle de corps de garde meublée de tables, de chaises et de lits de camp. Mais grâce aux lunettes spéciales qu'ils avaient chaussées à leur sortie des égouts, ils s'aperçurent que l'entrée était défendue par des faisceaux entrecroisés de lumière noire qui interdisaient toute possibilité de passer sans déclencher l'alarme, même s'ils enclenchaient leurs déflecteurs. Le système électronique ne se laisserait pasabuser par leur état d'invisibilité. À l'une des tables, trois prêtres-soldats subalternes terminaient leur repas en échangeant parfois quelques monosyllabes. Deux d'entre eux tournaient le dos à l'escalier, tandis que le troisième, qui y faisait face, était à moitié retourné pour s'emparer du pichet qui se trouvait sur la table derrière lui. Masas, qui avait repéré l'emplacement du système de neutralisation de l'alarme, prit aussitôt sa décision.
– Prends celui de face, je m'occupe des deux autres, souffla-t-elle.
Sans répondre, son compagnon brandit son couteau qui vola dans les airs et se ficha dans la gorge de sa victime. Dans le même temps, la jeune femme abattait les autres soldats de deux coups de son pistolet à aiguilles.
L'action n'avait pas duré plus de cinq secondes et ils se retrouvaient maîtres du terrain. Il leur fallait cependant pouvoir couper le rayon invisible qui barrait l'entrée de la salle s'ils voulaient y pénétrer.
– Dommage que l'Émir ne soit pas là, songea Masas en contemplant le levier qui servait à neutraliser le faisceau électronique, sachant qu'il faudrait bien y arriver sans l'apport des dons de télékinésiste du mulot-castor.
Elle répondit par un haussement d'épaule à l'interrogation muette de Stev. La manette à abaisser se trouvait à un peu plus de deux mètres de la porte, fixée au mur. La distance était minime, mais il aurait fallu posséder une perche assez longue pour l'atteindre en passant au dessus de l'entrelacs des faisceaux. Comme ce n'était pas le cas, il leur fallait trouver un autre moyen. Et rapidement. Masas attarda son regard sur l'ouverture qui permettait d'accéder à la salle des gardes, et son visage s'éclaira.
– Tu es costaud, Stev ? Tu pourrais soulever une petite femme comme moi sans problème ?
Le pilote la dévisagea, un peu interloqué.
– Oui, sans doute.
– Alors, tu vas me lever à bout de bras, à l'horizontal, et me projeter par dessus les faisceaux.
– Par dessus ?
– Oui, entre le haut du chambranle et les faisceaux supérieurs, il y a environ cinquante centimètres de libre.
Je vais m'allonger bien droite, tu me soulèveras le plus haut possible en te rapprochant des faisceaux, et tu me jetteras dans la salle.
– Rien que ça ? !
– Comme cela je saurai si tu es un vrai mâle ou uniquement un baratineur !
Un sourire découvrit les lèvres du jeune homme.
– Si je réussis, quelle sera ma récompense ?
– Le droit de continuer à vivre encore un moment ! Au moins jusqu'au prochain obstacle.
Stev s'agenouilla, les bras repliés, paumes vers le haut. Masas s'assura rapidement que rien ne dépassait de sa combinaison de combat, dégrafa sa ceinture d'armes qu'elle posa au sol, glissa un couteau dans la tige de sa botte droite et s'allongea sur les mains de son compagnon. Celui-ci se redressa alors lentement avant de se tenir droit, la jeune femme à bout de bras. Elle se raidit, essayant de rester la plus droite possible. Stev s'avança de deux pas, presque à toucher la barrière infranchissable qui les séparait de la salle.
– Prête ?
– Oui.
Il concentra toutes ses forces dans ses bras et la projeta le plus haut et le plus loin possible. Pendant une fraction d'éternité, il eut l'impression que son coeur s'arrêtait de battre et que le temps s'était figé. Puis le corps de Masas, après avoir heurté la voûte, se replia sur lui-même et retomba au sol en un roulé-boulé impeccable. La seconde suivante, elle sautait sur ses pieds et se hâtait de neutraliser l'alarme.
Les jambes encore un peu tremblantes tant son effort avait été violent, le pilote pénétra à son tour dans la salle et tendit ses armes à Masas. Sans un mot, ils se regardèrent et la jeune femme lui fit un clin d'oeil complice qui le remplit de joie.
– On forme une bonne équipe tous les deux.
– Si tu veux, je peux te pistonner pour entrer à l'O.M.U.
– Les dieux m'en gardent ! !
Stev se pencha sur les trois corps étendus.
– Ils sont tous morts.
– J'aurais bien aimé en garder un en vie pour lui faire dire où se trouvent les prisonniers.
– Sans doute au bout de l'un de ces couloirs, ironisa-t-il en désignant trois ouvertures qui béaient au fond de la salle.
– Merci ! Mais au lieu de dire des sottises, tu ferais mieux de m'aider à dissimuler nos victimes.
Masas et Stev prirent les cadavres un à un et les dissimulèrent du mieux possible derrière les lits de camp qui occupaient un des côtés de la salle. Puis l'envoyée d'Atlan s'approcha successivement des trois couloirs dans l'espoir de trouver une indication permettant d'atteindre le plus rapidement possible leur but. En vain.
– J'ai bien peur qu'il faille tous les visiter, chuchota-t-elle.
Elle allait passer à l'acte, quand Stev s'approcha rapidement d'elle et la poussa dans l'entrée du couloir. Elle n'eut pas besoin de lui demander d'explication, car elle entendit un bruit de voix provenant du passage contigu. Quelques instants plus tard, deux soldats débouchèrent dans la salle en discutant. En n'apercevant pas ceux qu'ils venaient relever, ils s'arrêtèrent, surpris. L'instant d'après, ils gisaient au sol, assommés.
Sans avoir eu besoin de se concerter, les deux visiteurs avaient bondi sans leur laisser la moindre chance d'esquisser un geste de défense. Et les deux geôliers se retrouvèrent entravés avec leur propres menottes magnétiques.
Masas entreprit alors de ranimer l'homme qu'elle avait envoyé aux pays des songes quelques instants plus tôt. Sous l'effet des massages qui lui étaient prodigués, le soldat reprit rapidement connaissance. Mais s'il eut l'intention de donner l'alerte, la pointe du couteau que Masas avait appuyé sur sa gorge l'en dissuada complètement.
– Où se trouvent les prisonniers ?
Le garde-chiourme roula des yeux terrifiés, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. La pointe qui s'enfonça de quelques millimètres dans sa chair le rendit plus prolixe. Il désigna de la tête le couloir central, celui par lequel il était arrivé.
– Combien y a-t-il de gardes ?
– Deux.
– Seulement ? s'étonna la jeune femme.
– Nous sommes sept en tout par quart. Trois étaient ici quand nous sommes venus pour la relève, il n'y en a donc plus que deux en bas.
– Je l'espère pour toi.
Elle plaça ses mains de part et d'autre du cou de son captif et le rendormit d'une pression au niveau des carotides. Puis elle lui appliqua une bande de ruban adhésif sur la bouche.
– Tu devrais en faire autant pour le tien.
– Inutile... apparemment, il n'avait pas le crâne très solide.
Plus le temps passait, et plus les risques d'être découverts augmentaient, même si de nuit une bonne partie des gardes était dans ses cantonnements. Aussi, leur plan fut rapidement mis au point.
– Je vais y aller seule, mais il faut que je sois sûre de ne pas me faire coincer là-bas. Il faudra donc que tu restes ici pour empêcher des curieux éventuels de venir me déranger.
– Ne t'inquiète pas, je vais transformer cette salle en Fort-Alamo . Et je tiendrai le coup jusqu'à ton retour.
Mais tâche de faire vite.
Elle s'approcha de lui, se haussa sur la pointe des pieds et lui colla un rapide baiser sur la joue. Puis, sans lui laisser le temps de réagir, elle s'engagea dans le couloir menant aux prisons avec un signe de la main. Le tunnel qu'elle empruntait était légèrement en pente descendante et son éclairage tamisé provenait de tubes enfoncés dans des niches. Le sol était recouvert d'un plastique souple qui absorbait tous les bruits de pas. Au bout d'une quinzaine de mètres, le couloir formait un angle de 45° environ. Masas s'y arrêta et, allongeant le cou, regarda ce qu'il y avait au delà.
Une vingtaine de mètres après le tournant, une vaste salle semblait s'ouvrir. Nulle présence hostile n'étant en vue, la jeune femme poursuivit sa progression. Elle s'arrêta à l'entrée, le corps incrusté dans la muraille de terkonite. De là, elle put englober toute la salle de son regard, passa sans s'attarder sur les cages en métal où croupissaient des prisonniers atones, et eut la satisfaction de découvrir les deux gardes dont elle recherchait la présence. L'un d'entre eux était assis à une table en train de lire un micro-livre sur un écran, la main droite posée sur un éclateur. L'autre déambulait entre les cages, désintégrateur en bandoulière.
Il lui fallait éliminer les deux hommes, mais l'ordre dans lequel elle allait procéder était essentiel si elle voulait avoir une petite chance de vivre une vieillesse paisible. Elle s'accorda donc quelques instants de réflexion avant de se décider. Lorsque celui qui déambulait contourna une des cages et lui tourna momentanément le dos, elle jaillit du souterrain et ajusta le garde assis derrière la table à l'aide de son couteau.
Avec un bourdonnement sourd, celui-ci vint se ficher dans la gorge de l'homme qui fut projeté en arrière et s'écroula par dessus le dossier de sa chaise. Masas, qui excellait dans le maniement des armes de jet, s'était fabriquée elle-même ce poignard. Muni d'un moteur atomique miniaturisé qui le propulsait à une vitesse supérieure à deux cents kilomètres à l'heure tout en rendant sa lame incandescente, il permettait à sa propriétaire d'atteindre des cibles mouvantes situées jusqu'à cent cinquante mètres de distance. Poursuivant sa course souple, elle sprinta vers le centre de la salle et se laissa tomber au sol, roulant sur elle-même lorsque le second garde se retourna. Il balayait l'entrée de couloir avec son désintégrateur lorsqu'elle lui expédia trois projectiles qui se fichèrent dans sa poitrine.
Sans s'occuper de vérifier l'efficacité de ses tirs, et maudissant le geôlier qui avait eu le temps de se servir de son arme et sans doute de déclencher l'alarme dans la forteresse, elle s'élança vers les cages en appelant :
– Goral Toseff ?
– Oui..Je suis là !
Un roman fanique d'André Borie
CHAPITRE PREMIER : DANS L'ENFER DE LUPUS IV
Section 1C
Émergeant du cañon, ils se coulèrent parmi la végétation luxuriante que tapissait une boue favorable à l'essor des mauvaises herbes, et se faufilèrent entre les arbres aux troncs énormes, mais à la hauteur limitée par les conditions météo cycloniques qui régnaient sur Lupus IV. Les frondaisons basses mais denses de la forêt les protégeaient momentanément de tout risque de découverte. Mais la prison se trouvait au milieu d'un no-man's land stérile, où toute pousse végétale était éradiquée régulièrement au thermo-radiant.
Le satellite de Lupus IV répandait une lumière parcimonieuse qui ne traversait en aucun endroit l'épais plafond de feuilles, obligeant les deux compagnons à allumer les lampes qui pendaient sur leur poitrine afin d'éclairer leur progression. Il leur fallut près de deux heures pour atteindre la zone dénudée entourant la forteresse, car ils avaient cessé d'utiliser leurs réacteurs propulseurs anti-g par précaution dès qu'ils avaient estimé pouvoir être repérés.
– Nous allons utiliser nos déflecteurs pour nous rendre invisibles aux gardes et aux écrans de surveillance.
Mais il est probable qu'il y ait également des détecteurs thermiques, aussi tu vas enfiler cette résille.
Fouillant dans son sac à dos, la jeune femme en retira une sorte de vêtement arachnéen fabriqué dans une espèce de voilage plastifié. Elle le lui tendit.
– C'est imperméable aux infrarouges, et dès que tu mets la cagoule qui est dans la poche droite, le tissu emprisonne la chaleur de ton corps... pendant un certain temps du moins.
– Dommage que je n'ai pas eu ce gadget lors de mes expéditions ! En tout cas, avec les déflecteurs et ce machin , notre entrée dans la prison devient presque une promenade de santé !
– Alors, prie tes dieux pour qu'il n'y ait pas de prêtre de Bâalol en service, car avec leurs facultés psi, ils sont capables de détecter nos ondes cérébrales malgré nos précautions.
Pendant quelques minutes, ils contemplèrent les murs de la sinistre prison où tout était calme. Masas se tourna vers Stev et chuchota :
– Ce fichu temps va finalement nous rendre service.. Les rafales de vent et la pluie qui tombe depuis un petit moment vont sérieusement diminuer la visibilité, ainsi que l'attention des gardes qui sont forcément blasés par ces conditions météo habituelles.
– Bon, allons-y !
D'une allure souple et régulière, l'agent de l'O.M.U. et le pilote franchirent le kilomètre de terre dénudée qui menait à l'entrée de la forteresse. Ils s'arrêtèrent, à peine essoufflés, au pied d'un des hauts murs du rempart.
Étant invisibles, il leur fallut quelques instants pour se retrouver au toucher .
Masas saisit son compagnon par le poignet et l'entraîna jusqu'à la sortie du collecteur des égouts qui se déversaient dans une petite rivière au courant important.
Bonjour l'hygiène, ne put s'empêcher de penser Stev en voyant les immondices de toutes sortes disparaître au fil de l'eau.
Mais déjà, sans s'occuper de l'aspect extérieur des choses, la jeune femme l'entraînait derrière elle en rampant dans le conduit.
Cette balade sur le ventre, en se glissant dans un tuyau à peine assez large, et en remontant le courant tout en se faisant percuter continuellement par des détritus de tous genres, et qui plus est dans l'obscurité – car Masas ne voulait pas courir le moindre risque d'être découverts – devait rester un bon moment ancré dans leur mémoire.
Mais tout a une fin, et ils finirent par aboutir à une grille aux barreaux épais construite en terkonite.
La jeune femme retint le bras de Stev qui se préparait à découper la serrure au laser. Elle fit courir le faisceau lumineux de sa lampe sur toute la surface de l'obstacle qui les interrompait dans leur progression, et d'un léger coup de coude attira l'attention du pilote sur un mince fil presque translucide qui était en contact avec l'un des gonds. Si la porte s'ouvrait, nul doute qu'une alarme se déclencherait à l'intérieur de la prison.
Masas entreprit de desceller les barreaux un à un au laser, en évitant tout choc qui aurait pu activer le système de sécurité. Stev commençait à trouver le temps long, lorsque la jeune femme déposa le dernier barreau au sol et l'invita à la suivre.
Les deux égoutiers d'occasion poursuivirent leur cheminement parmi les détritus et finirent par aboutir dans une salle au plafond bas. Une volée de marches suintantes d'humidité permettait d'accéder à une plate-forme triangulaire dont le sommet tronqué se terminait sur une porte. Ils s'y hissèrent.
Passant machinalement la main sur sa combinaison pour en enlever les déchets peu ragoûtants qui la souillaient, Masas examina les lieux à la lumière de sa lampe. Apparemment, il s'agissait d'une sorte de carrefour où aboutissaient six collecteurs d'égouts. La plate-forme menait visiblement à l'intérieur de la forteresse. Mais à quel endroit ?
La jeune femme hésita un court instant : fallait-il entrer par cette porte ou continuer par l'un des collecteurs ?
Avec un haussement d'épaule, elle choisit la première solution et entreprit l'examen de la serrure. Stev la poussa légèrement sur le côté en murmurant :
– Laisse, c'est ma spécialité.
Elle lui jeta un coup d'oeil et acquiesça d'un signe de tête. Le pilote fouilla dans une des poches de sa combinaison et en extirpa un petit boîtier muni de deux fils métalliques souples. Il appliqua ces derniers de part et d'autre de la serrure magnétique, manipula un curseur tout en surveillant les indications qui s'incrustaient sur le petit écran. Puis il introduisit un petit rectangle de plastique dans la fente entre la porte et le chambranle.
– Le système d'alarme est désactivé. Est-ce que j'y vais ?
– Hon hon.
Masas s'écarta un peu de la porte en braquant l'arme qu'elle venait de sortir de son étui.
– Un pistolet à aiguilles ! s'étonna le jeune homme.
– C'est ce qui est le plus silencieux , et qui ne dégage aucune énergie qui puisse être repérée.
– Pour éviter le bruit, moi, j'utilise le couteau de jet.
Stev s'affaira quelques instants en glissant sa carte alternativement vers le bas et vers le haut. Un léger déclic se fit entendre. Avec infiniment de précautions, il commença à entrouvrir la porte de quelques centimètres. Il glissa un oeil par la fente, mais n'aperçut qu'une salle ronde, vide de tout occupant. Il ouvrit plus franchement et invita :
– Après vous, ma jo… euh, Masas.
Avec un sourire amusé, l'envoyée d'Atlan se glissa dans l'ouverture, tous les sens en éveil. Puis elle fit signe au pilote de la rejoindre.
– Peux-tu la refermer sans la verrouiller ? En cas de retraite précipitée.
– Pas de problème.
Debout au milieu de la pièce nue, ils fixèrent leur regard sur les deux portes diamétralement opposées qui menaient sur… ailleurs.
– Laquelle ? interrogea Stev.
Avec une moue dubitative, Masas lui répondit :
– La gauche.
Et s'avançant de quelques pas, elle appliqua la paume de sa main à l'emplacement d'ouverture. Sans le moindre bruit, la porte coulissa dans le mur, leur révélant un couloir éclairé à giorno. Ils s'y engagèrent, arme au poing, sur le qui-vive.
Au moment de refermer la porte, Masas eut un haut-le-coeur. Elle saisit Stev par le bras et le ramena dans la salle qu'ils venaient de quitter.
– Ben, qu'est-ce qui t'arrive ?
– Les traces.
Il suivit du regard ce qu'elle lui désignait : les marques de leurs pas, humides et parfois constellées de parcelles innommables.
– Il faut essuyer tout cela, sinon les Antis ne tarderont pas à savoir qu'ils ont des visiteurs.
– Et de l'autre côté, dans le couloir ?
– Je m'en occupe tout de suite.
Elle ouvrit furtivement la porte, s'assura que le couloir était toujours désert, s'accroupit et effaça rapidement les trois empreintes qui s'y trouvaient à l'aide d'un foulard qu'elle avait sorti d'une poche de sa combinaison.
– Tu avais peur de prendre froid au cou ?
– Non, c'est mon porte-bonheur.
Puis, l'air dégoûté, elle fit de même avec celles qui se trouvaient dans la salle, avant d'essuyer les semelles de leurs bottes souples. Elle fit une boule du linge souillé et le remit en poche.
– Cette fois, je crois qu'on peut y aller.
La traversée du couloir se fit sans incident, et ils aboutirent dans une rotonde où s'ouvraient quatre portes.
Sans hésiter, Masas entrouvrit la plus proche, découvrit une salle-radio vide et la referma aussitôt. Elle ouvrit successivement les deux suivantes et les referma de même. La quatrième lui offrit ce qu'elle cherchait : un escalier montant. Devant l'air interrogateur de son compagnon, elle expliqua :
– Logiquement, si on veut garder des prisonniers, il vaut mieux les enfermer au centre de la forteresse.
Comme ici nous sommes au niveau des égouts, il faut forcément remonter.
Elle s'y engagea, suivie du pilote qui referma soigneusement dans son dos. Sur la pointe des pieds, ils gravirent une vingtaine de marches, l'oeil et l'oreille aux aguets et l'arme au poing. Soudain, Masas s'arrêta et se retourna vers Stev, l'index devant la bouche. Puis elle montra trois doigts. Le pilote hocha la tête, montra deux de ses doigts en se désignant, puis un doigt qu'il dirigea vers Masas. Mais celle-ci lui signifia sa désapprobation et inversa les rôles : un pour Stev, les deux autres pour elle. Avec une grimace de désappointement, le jeune homme s'inclina. Ils poursuivirent leur montée et s'efforcèrent d'apercevoir leurs adversaires dès qu'ils atteignirent le haut des marches.
A première vue, l'escalier débouchait sur une salle de corps de garde meublée de tables, de chaises et de lits de camp. Mais grâce aux lunettes spéciales qu'ils avaient chaussées à leur sortie des égouts, ils s'aperçurent que l'entrée était défendue par des faisceaux entrecroisés de lumière noire qui interdisaient toute possibilité de passer sans déclencher l'alarme, même s'ils enclenchaient leurs déflecteurs. Le système électronique ne se laisserait pasabuser par leur état d'invisibilité. À l'une des tables, trois prêtres-soldats subalternes terminaient leur repas en échangeant parfois quelques monosyllabes. Deux d'entre eux tournaient le dos à l'escalier, tandis que le troisième, qui y faisait face, était à moitié retourné pour s'emparer du pichet qui se trouvait sur la table derrière lui. Masas, qui avait repéré l'emplacement du système de neutralisation de l'alarme, prit aussitôt sa décision.
– Prends celui de face, je m'occupe des deux autres, souffla-t-elle.
Sans répondre, son compagnon brandit son couteau qui vola dans les airs et se ficha dans la gorge de sa victime. Dans le même temps, la jeune femme abattait les autres soldats de deux coups de son pistolet à aiguilles.
L'action n'avait pas duré plus de cinq secondes et ils se retrouvaient maîtres du terrain. Il leur fallait cependant pouvoir couper le rayon invisible qui barrait l'entrée de la salle s'ils voulaient y pénétrer.
– Dommage que l'Émir ne soit pas là, songea Masas en contemplant le levier qui servait à neutraliser le faisceau électronique, sachant qu'il faudrait bien y arriver sans l'apport des dons de télékinésiste du mulot-castor.
Elle répondit par un haussement d'épaule à l'interrogation muette de Stev. La manette à abaisser se trouvait à un peu plus de deux mètres de la porte, fixée au mur. La distance était minime, mais il aurait fallu posséder une perche assez longue pour l'atteindre en passant au dessus de l'entrelacs des faisceaux. Comme ce n'était pas le cas, il leur fallait trouver un autre moyen. Et rapidement. Masas attarda son regard sur l'ouverture qui permettait d'accéder à la salle des gardes, et son visage s'éclaira.
– Tu es costaud, Stev ? Tu pourrais soulever une petite femme comme moi sans problème ?
Le pilote la dévisagea, un peu interloqué.
– Oui, sans doute.
– Alors, tu vas me lever à bout de bras, à l'horizontal, et me projeter par dessus les faisceaux.
– Par dessus ?
– Oui, entre le haut du chambranle et les faisceaux supérieurs, il y a environ cinquante centimètres de libre.
Je vais m'allonger bien droite, tu me soulèveras le plus haut possible en te rapprochant des faisceaux, et tu me jetteras dans la salle.
– Rien que ça ? !
– Comme cela je saurai si tu es un vrai mâle ou uniquement un baratineur !
Un sourire découvrit les lèvres du jeune homme.
– Si je réussis, quelle sera ma récompense ?
– Le droit de continuer à vivre encore un moment ! Au moins jusqu'au prochain obstacle.
Stev s'agenouilla, les bras repliés, paumes vers le haut. Masas s'assura rapidement que rien ne dépassait de sa combinaison de combat, dégrafa sa ceinture d'armes qu'elle posa au sol, glissa un couteau dans la tige de sa botte droite et s'allongea sur les mains de son compagnon. Celui-ci se redressa alors lentement avant de se tenir droit, la jeune femme à bout de bras. Elle se raidit, essayant de rester la plus droite possible. Stev s'avança de deux pas, presque à toucher la barrière infranchissable qui les séparait de la salle.
– Prête ?
– Oui.
Il concentra toutes ses forces dans ses bras et la projeta le plus haut et le plus loin possible. Pendant une fraction d'éternité, il eut l'impression que son coeur s'arrêtait de battre et que le temps s'était figé. Puis le corps de Masas, après avoir heurté la voûte, se replia sur lui-même et retomba au sol en un roulé-boulé impeccable. La seconde suivante, elle sautait sur ses pieds et se hâtait de neutraliser l'alarme.
Les jambes encore un peu tremblantes tant son effort avait été violent, le pilote pénétra à son tour dans la salle et tendit ses armes à Masas. Sans un mot, ils se regardèrent et la jeune femme lui fit un clin d'oeil complice qui le remplit de joie.
– On forme une bonne équipe tous les deux.
– Si tu veux, je peux te pistonner pour entrer à l'O.M.U.
– Les dieux m'en gardent ! !
Stev se pencha sur les trois corps étendus.
– Ils sont tous morts.
– J'aurais bien aimé en garder un en vie pour lui faire dire où se trouvent les prisonniers.
– Sans doute au bout de l'un de ces couloirs, ironisa-t-il en désignant trois ouvertures qui béaient au fond de la salle.
– Merci ! Mais au lieu de dire des sottises, tu ferais mieux de m'aider à dissimuler nos victimes.
Masas et Stev prirent les cadavres un à un et les dissimulèrent du mieux possible derrière les lits de camp qui occupaient un des côtés de la salle. Puis l'envoyée d'Atlan s'approcha successivement des trois couloirs dans l'espoir de trouver une indication permettant d'atteindre le plus rapidement possible leur but. En vain.
– J'ai bien peur qu'il faille tous les visiter, chuchota-t-elle.
Elle allait passer à l'acte, quand Stev s'approcha rapidement d'elle et la poussa dans l'entrée du couloir. Elle n'eut pas besoin de lui demander d'explication, car elle entendit un bruit de voix provenant du passage contigu. Quelques instants plus tard, deux soldats débouchèrent dans la salle en discutant. En n'apercevant pas ceux qu'ils venaient relever, ils s'arrêtèrent, surpris. L'instant d'après, ils gisaient au sol, assommés.
Sans avoir eu besoin de se concerter, les deux visiteurs avaient bondi sans leur laisser la moindre chance d'esquisser un geste de défense. Et les deux geôliers se retrouvèrent entravés avec leur propres menottes magnétiques.
Masas entreprit alors de ranimer l'homme qu'elle avait envoyé aux pays des songes quelques instants plus tôt. Sous l'effet des massages qui lui étaient prodigués, le soldat reprit rapidement connaissance. Mais s'il eut l'intention de donner l'alerte, la pointe du couteau que Masas avait appuyé sur sa gorge l'en dissuada complètement.
– Où se trouvent les prisonniers ?
Le garde-chiourme roula des yeux terrifiés, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. La pointe qui s'enfonça de quelques millimètres dans sa chair le rendit plus prolixe. Il désigna de la tête le couloir central, celui par lequel il était arrivé.
– Combien y a-t-il de gardes ?
– Deux.
– Seulement ? s'étonna la jeune femme.
– Nous sommes sept en tout par quart. Trois étaient ici quand nous sommes venus pour la relève, il n'y en a donc plus que deux en bas.
– Je l'espère pour toi.
Elle plaça ses mains de part et d'autre du cou de son captif et le rendormit d'une pression au niveau des carotides. Puis elle lui appliqua une bande de ruban adhésif sur la bouche.
– Tu devrais en faire autant pour le tien.
– Inutile... apparemment, il n'avait pas le crâne très solide.
Plus le temps passait, et plus les risques d'être découverts augmentaient, même si de nuit une bonne partie des gardes était dans ses cantonnements. Aussi, leur plan fut rapidement mis au point.
– Je vais y aller seule, mais il faut que je sois sûre de ne pas me faire coincer là-bas. Il faudra donc que tu restes ici pour empêcher des curieux éventuels de venir me déranger.
– Ne t'inquiète pas, je vais transformer cette salle en Fort-Alamo . Et je tiendrai le coup jusqu'à ton retour.
Mais tâche de faire vite.
Elle s'approcha de lui, se haussa sur la pointe des pieds et lui colla un rapide baiser sur la joue. Puis, sans lui laisser le temps de réagir, elle s'engagea dans le couloir menant aux prisons avec un signe de la main. Le tunnel qu'elle empruntait était légèrement en pente descendante et son éclairage tamisé provenait de tubes enfoncés dans des niches. Le sol était recouvert d'un plastique souple qui absorbait tous les bruits de pas. Au bout d'une quinzaine de mètres, le couloir formait un angle de 45° environ. Masas s'y arrêta et, allongeant le cou, regarda ce qu'il y avait au delà.
Une vingtaine de mètres après le tournant, une vaste salle semblait s'ouvrir. Nulle présence hostile n'étant en vue, la jeune femme poursuivit sa progression. Elle s'arrêta à l'entrée, le corps incrusté dans la muraille de terkonite. De là, elle put englober toute la salle de son regard, passa sans s'attarder sur les cages en métal où croupissaient des prisonniers atones, et eut la satisfaction de découvrir les deux gardes dont elle recherchait la présence. L'un d'entre eux était assis à une table en train de lire un micro-livre sur un écran, la main droite posée sur un éclateur. L'autre déambulait entre les cages, désintégrateur en bandoulière.
Il lui fallait éliminer les deux hommes, mais l'ordre dans lequel elle allait procéder était essentiel si elle voulait avoir une petite chance de vivre une vieillesse paisible. Elle s'accorda donc quelques instants de réflexion avant de se décider. Lorsque celui qui déambulait contourna une des cages et lui tourna momentanément le dos, elle jaillit du souterrain et ajusta le garde assis derrière la table à l'aide de son couteau.
Avec un bourdonnement sourd, celui-ci vint se ficher dans la gorge de l'homme qui fut projeté en arrière et s'écroula par dessus le dossier de sa chaise. Masas, qui excellait dans le maniement des armes de jet, s'était fabriquée elle-même ce poignard. Muni d'un moteur atomique miniaturisé qui le propulsait à une vitesse supérieure à deux cents kilomètres à l'heure tout en rendant sa lame incandescente, il permettait à sa propriétaire d'atteindre des cibles mouvantes situées jusqu'à cent cinquante mètres de distance. Poursuivant sa course souple, elle sprinta vers le centre de la salle et se laissa tomber au sol, roulant sur elle-même lorsque le second garde se retourna. Il balayait l'entrée de couloir avec son désintégrateur lorsqu'elle lui expédia trois projectiles qui se fichèrent dans sa poitrine.
Sans s'occuper de vérifier l'efficacité de ses tirs, et maudissant le geôlier qui avait eu le temps de se servir de son arme et sans doute de déclencher l'alarme dans la forteresse, elle s'élança vers les cages en appelant :
– Goral Toseff ?
– Oui..Je suis là !
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