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Illustration: La Dame Aux Camélias-Chapitre11 - Alexandre Dumas fils

La Dame Aux Camélias-Chapitre11

(Version Intégrale)

Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2010-07-02

Lu par Stanley
Livre audio de 21min
Fichier mp3 de 18,8 Mo

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Chapitre XI

En cet endroit de son récit, Armand s'arrêta.
– Voulez-vous fermer la fenêtre ? me dit-il, je commence à
avoir froid. Pendant ce temps, je vais me coucher.
Je fermai la fenêtre. Armand, qui était très faible encore, ôta
sa robe de chambre et se mit au lit, laissant pendant quelques
instants reposer sa tête sur l'oreiller comme un homme fatigué
d'une longue course ou agité de pénibles souvenirs.
– Vous avez peut-être trop parlé, lui dis-je ; voulez-vous que
je m'en aille et que je vous laisse dormir ? Vous me raconterez un
autre jour la fin de cette histoire.
– Est-ce qu'elle vous ennuie ?
– Au contraire.
– Je vais continuer alors ; si vous me laissiez seul, je ne
dormirais pas.
– Quand je rentrai chez moi, reprit-il, sans avoir besoin de se
recueillir, tant tous ces détails étaient encore présents à sa
pensée, je ne me couchai pas ; je me mis à réfléchir sur l'aventure
de la journée. La rencontre, la présentation, l'engagement de
Marguerite vis-à-vis de moi, tout avait été si rapide, si inespéré,
qu'il y avait des moments où je croyais avoir rêvé. Cependant ce
n'était pas la première fois qu'une fille comme Marguerite se
promettait à un homme pour le lendemain du jour où il le lui
demandait.
J'avais beau me faire cette réflexion, la première impression
produite par ma future maîtresse sur moi avait été si forte qu'elle
subsistait toujours. Je m'entêtais encore à ne pas voir en elle une
fille semblable aux autres, et, avec la vanité si commune à tous les
hommes, j'étais prêt à croire qu'elle partageait invinciblement
pour moi l'attraction que j'avais pour elle.
Cependant j'avais sous les yeux des exemples bien
contradictoires, et j'avais entendu dire souvent que l'amour de
Marguerite était passé à l'état de denrée plus ou moins chère,
selon la saison.
Mais comment aussi, d'un autre côté, concilier cette
réputation avec les refus continuels faits au jeune comte que nous
avions trouvé chez elle ?
Vous me direz qu'il lui déplaisait et que, comme elle était
splendidement entretenue par le duc, pour faire tant que de
prendre un autre amant, elle aimait mieux un homme qui lui plût.
Alors, pourquoi ne voulait-elle pas de Gaston, charmant,
spirituel, riche, et paraissait-elle vouloir de moi qu'elle avait
trouvé si ridicule la première fois qu'elle m'avait vu ?
Il est vrai qu'il y a des incidents d'une minute qui font plus
qu'une cour d'une année.
De ceux qui se trouvaient au souper, j'étais le seul qui se fût
inquiété en la voyant quitter la table. Je l'avais suivie, j'avais été
ému à ne pouvoir le cacher, j'avais pleuré en lui baisant la main.
Cette circonstance, réunie à mes visites quotidiennes pendant les
deux mois de sa maladie, avait pu lui faire voir en moi un autre
homme que ceux connus jusqu'alors, et peut-être s'était-elle dit
qu'elle pouvait bien faire pour un amour exprimé de cette façon
ce qu'elle avait fait tant de fois, que cela n'avait déjà plus de
conséquence pour elle.
Toutes ces suppositions, comme vous le voyez, étaient assez
vraisemblables ; mais quelle que fût la raison à son consentement,
il y avait une chose certaine, c'est qu'elle avait consenti.
Or, j'étais amoureux de Marguerite, j'allais l'avoir, je ne
pouvais rien lui demander de plus. Cependant, je vous le répète,
quoique ce fût une fille entretenue, je m'étais tellement, peut-être
pour la poétiser, fait de cet amour un amour sans espoir, que plus
le moment approchait où je n'aurais même plus besoin d'espérer,
plus je doutais.
Je ne fermai pas les yeux de la nuit.
Je ne me reconnaissais pas. J'étais à moitié fou. Tantôt je ne
me trouvais ni assez beau, ni assez riche, ni assez élégant pour
posséder une pareille femme, tantôt je me sentais plein de vanité
à l'idée de cette possession : puis je me mettais à craindre que
Marguerite n'eût pour moi qu'un caprice de quelques jours, et,
pressentant un malheur dans une rupture prompte, je ferais peutêtre
mieux, me disais-je, de ne pas aller le soir chez elle, et de
partir en lui écrivant mes craintes. De là, je passais à des
espérances sans limites, à une confiance sans bornes. Je faisais
des rêves d'avenir incroyables ; je me disais que cette fille me
devrait sa guérison physique et morale, que je passerais toute ma
vie avec elle, et que son amour me rendrait plus heureux que les
plus virginales amours.
Enfin, je ne pourrais vous répéter les mille pensées qui
montaient de mon coeur à ma tête et qui s'éteignirent peu à peu
dans le sommeil qui me gagna au jour.
Quand je me réveillai, il était deux heures. Le temps était
magnifique. Je ne me rappelle pas que la vie m'ait jamais paru
aussi belle et aussi pleine. Les souvenirs de la veille se
représentaient à mon esprit, sans ombres, sans obstacles et
gaiement escortés des espérances du soir. Je m'habillai à la hâte.
J'étais content et capable des meilleures actions. De temps en
temps mon coeur bondissait de joie et d'amour dans ma poitrine.
Une douce fièvre m'agitait. Je ne m'inquiétais plus des raisons qui
m'avaient préoccupé avant que je m'endormisse. Je ne voyais que
le résultat, je ne songeais qu'à l'heure où je devais revoir
Marguerite.
Il me fut impossible de rester chez moi. Ma chambre me
semblait trop petite pour contenir mon bonheur ; j'avais besoin
de la nature entière pour m'épancher.
Je sortis.
Je passai par la rue d'Antin. Le coupé de Marguerite
l'attendait à sa porte ; je me dirigeai du côté des Champs-Élysées.
J'aimais, sans même les connaître, tous les gens que je
rencontrais.
Comme l'amour rend bon !
Au bout d'une heure que je me promenais des chevaux de
Marly au rond-point et du rond-point aux chevaux de Marly, je
vis de loin la voiture de Marguerite ; je ne la reconnus pas, je la
devinai.
Au moment de tourner l'angle des Champs-Élysées, elle se fit
arrêter, et un grand jeune homme se détacha d'un groupe où il
causait pour venir causer avec elle.
Ils causèrent quelques instants ; le jeune homme rejoignit ses
amis, les chevaux repartirent, et moi, qui m'étais approché du
groupe, je reconnus dans celui qui avait parlé à Marguerite ce
comte de G… dont j'avais vu le portrait et que Prudence m'avait
signalé comme celui à qui Marguerite devait sa position.
C'était à lui qu'elle avait fait défendre sa porte, la veille ; je
supposai qu'elle avait fait arrêter sa voiture pour lui donner la
raison de cette défense, et j'espérai qu'en même temps elle avait
trouvé quelque nouveau prétexte pour ne pas le recevoir la nuit
suivante.
Comment le reste de la journée se passa, je l'ignore ; je
marchai, je fumai, je causai, mais de ce que je dis, de ceux que je
rencontrai, à dix heures du soir, je n'avais aucun souvenir.
Tout ce que je me rappelle, c'est que je rentrai chez moi, que
je passai trois heures à ma toilette, et que je regardai cent fois ma
pendule et ma montre, qui malheureusement allaient l'une
comme l'autre.
Quand dix heures et demie sonnèrent, je me dis qu'il était
temps de partir.
Je demeurais à cette époque rue de Provence : je suivis la rue
du Mont-Blanc, je traversai le boulevard, pris la rue Louis-le-
Grand, la rue de Port-Mahon, et la rue d'Antin. Je regardai aux
fenêtres de Marguerite.
Il y avait de la lumière.
Je sonnai.
Je demandai au portier si mademoiselle Gautier était chez
elle.
Il me répondit qu'elle ne rentrait jamais avant onze heures ou
onze heures un quart.
Je regardai ma montre.
J'avais cru venir tout doucement, je n'avais mis que cinq
minutes pour venir de la rue de Provence chez Marguerite.
Alors, je me promenai dans cette rue sans boutiques, et
déserte à cette heure.
Au bout d'une demi-heure Marguerite arriva. Elle descendit
de son coupé en regardant autour d'elle, comme si elle eût
cherché quelqu'un.
La voiture repartit au pas, les écuries et la remise n'étant pas
dans la maison. Au moment où Marguerite allait sonner, je
m'approchai et lui dis :
– Bonsoir !
– Ah ! c'est vous ? me dit-elle d'un ton peu rassurant sur le
plaisir qu'elle avait à me trouver là.
– Ne m'avez-vous pas permis de venir vous faire visite
aujourd'hui ?
– C'est juste ; je l'avais oublié.
Ce mot renversait toutes mes réflexions du matin, toutes mes
espérances de la journée. Cependant, je commençais à m'habituer
à ces façons et je ne m'en allai pas, ce que j'eusse évidemment fait
autrefois.
Nous entrâmes.
Nanine avait ouvert la porte d'avance.
– Prudence est-elle rentrée ? demanda Marguerite.
– Non, madame.
– Va dire que dès qu'elle rentrera elle vienne. Auparavant,
éteins la lampe du salon, et, s'il vient quelqu'un, réponds que je
ne suis pas rentrée et que je ne rentrerai pas.
C'était bien là une femme préoccupée de quelque chose et
peut-être ennuyée d'un importun. Je ne savais quelle figure faire
ni que dire. Marguerite se dirigea du côté de sa chambre à
coucher ; je restai où j'étais.
– Venez, me dit-elle.
Elle ôta son chapeau, son manteau de velours et les jeta sur
son lit, puis se laissa tomber dans un grand fauteuil, auprès du
feu qu'elle faisait faire jusqu'au commencement de l'été, et me dit
en jouant avec la chaîne de sa montre :
– Eh bien, que me conterez-vous de neuf ?
– Rien, sinon que j'ai eu tort de venir ce soir.
– Pourquoi ?
– Parce que vous paraissez contrariée et que, sans doute, je
vous ennuie.
– Vous ne m'ennuyez pas ; seulement je suis malade, j'ai
souffert toute la journée, je n'ai pas dormi et j'ai une migraine
affreuse.
– Voulez-vous que je me retire pour vous laisser mettre au
lit ?
– Oh ! vous pouvez rester ; si je veux me coucher, je me
coucherai bien devant vous.
En ce moment on sonna.
– Qui vient encore ? dit-elle avec un mouvement
d'impatience.
Quelques instants après, on sonna de nouveau.
– Il n'y a donc personne pour ouvrir ? Il va falloir que j'ouvre
moi-même.
En effet, elle se leva en me disant :
– Attendez ici.
Elle traversa l'appartement, et j'entendis ouvrir la porte
d'entrée.
– J'écoutai.
Celui à qui elle avait ouvert s'arrêta dans la salle à manger.
Aux premiers mots, je reconnus la voix du jeune comte de N…
– Comment vous portez-vous ce soir ? disait-il.
– Mal, répondit sèchement Marguerite.
– Est-ce que je vous dérange ?
– Peut-être.
– Comme vous me recevez ! Que vous ai-je fait, ma chère
Marguerite ?
– Mon cher ami, vous ne m'avez rien fait. Je suis malade, il
faut que je me couche ; ainsi vous allez me faire le plaisir de vous
en aller. Cela m'assomme de ne pas pouvoir rentrer le soir sans
vous voir apparaître cinq minutes après. Qu'est-ce que vous
voulez ? que je sois votre maîtresse ? Eh bien, je vous ai déjà dit
cent fois que non, que vous m'agacez horriblement, et que vous
pouvez vous adresser autre part. Je vous le répète aujourd'hui
pour la dernière fois : je ne veux pas de vous, c'est bien convenu ;
adieu. Tenez, voici Nanine qui rentre ; elle va vous éclairer.
Bonsoir.
Et, sans ajouter un mot, sans écouter ce que balbutiait le
jeune homme, Marguerite revint dans sa chambre et referma
violemment la porte, par laquelle Nanine, à son tour, rentra
presque immédiatement.
– Tu m'entends, lui dit Marguerite, tu diras toujours à cet
imbécile que je n'y suis pas ou que je ne veux pas le recevoir. Je
suis lasse, à la fin, de voir sans cesse des gens qui viennent me
demander la même chose, qui me payent et qui se croient quittes
avec moi. Si celles qui commencent notre honteux métier savaient
ce que c'est, elles se feraient plutôt femmes de chambre. Mais
non ; la vanité d'avoir des robes, des voitures, des diamants nous
entraîne ; on croit à ce que l'on entend, car la prostitution a sa foi,
et l'on use peu à peu son coeur, son corps, sa beauté ; on est
redoutée comme une bête fauve, méprisée comme un paria, on
n'est entourée que de gens qui vous prennent toujours plus qu'ils
ne vous donnent, et on s'en va un beau jour crever comme un
chien, après avoir perdu les autres et s'être perdue soi-même.
– Voyons, madame, calmez-vous, dit Nanine ; vous avez mal
aux nerfs ce soir.
– Cette robe me gêne, reprit Marguerite en faisant sauter les
agrafes de son corsage ; donne-moi un peignoir. Eh bien, et
Prudence ?
– Elle n'était pas rentrée, mais on l'enverra à madame dès
qu'elle rentrera.
– En voilà encore une, continua Marguerite en ôtant sa robe
et en passant un peignoir blanc, en voilà encore une qui sait bien
me trouver quand elle a besoin de moi, et qui ne peut pas me
rendre un service de bonne grâce. Elle sait que j'attends cette
réponse ce soir, qu'il me la faut, que je suis inquiète, et je suis
sûre qu'elle est allée courir sans s'occuper de moi.
– Peut-être a-t-elle été retenue ?
– Fais-nous donner le punch.
– Vous allez encore vous faire du mal, dit Nanine.
– Tant mieux ! Apporte-moi aussi des fruits, du pâté ou une
aile de poulet, quelque chose tout de suite, j'ai faim.
Vous dire l'impression que cette scène me causait, c'est
inutile ; vous le devinez, n'est-ce pas ?
– Vous allez souper avec moi, me dit-elle ; en attendant,
prenez un livre, je vais passer un instant dans mon cabinet de
toilette.
Elle alluma les bougies d'un candélabre, ouvrit une porte au
pied de son lit et disparut.
Pour moi, je me mis à réfléchir sur la vie de cette fille, et mon
amour s'augmenta de pitié.
Je me promenais à grands pas dans cette chambre, tout en
songeant, quand Prudence entra.
– Tiens, vous voilà ? me dit-elle : où est Marguerite ?
– Dans son cabinet de toilette.
– Je vais l'attendre. Dites donc, elle vous trouve charmant ;
saviez-vous cela ?
– Non.
– Elle ne vous l'a pas dit un peu ?
– Pas du tout.
– Comment êtes-vous ici ?
– Je viens lui faire une visite.
– À minuit ?
– Pourquoi pas ?
– Farceur !
– Elle m'a même très mal reçu.
– Elle va mieux vous recevoir.
– Vous croyez ?
– Je lui apporte une bonne nouvelle.
– Il n'y a pas de mal ; ainsi elle vous a parlé de moi ?
– Hier au soir, ou plutôt cette nuit, quand vous avez été parti
avec votre ami… à propos, comment va-t-il, votre ami ? C'est
Gaston R…, je crois, qu'on l'appelle ?
– Oui, dis-je, sans pouvoir m'empêcher de sourire en me
rappelant la confidence que Gaston m'avait faite, et en voyant que
Prudence savait à peine son nom.
– Il est gentil, ce garçon-là ; qu'est-ce qu'il fait ?
– Il a vingt-cinq mille francs de rente.
– Ah ! vraiment ! eh bien, pour en revenir à vous, Marguerite
m'a questionnée sur votre compte ; elle m'a demandé qui vous
étiez, ce que vous faisiez, quelles avaient été vos maîtresses ; enfin
tout ce qu'on peut demander sur un homme de votre âge. Je lui ai
dit tout ce que je sais, en ajoutant que vous êtes un charmant
garçon, et voilà.
– Je vous remercie ; maintenant, dites-moi donc de quelle
commission elle vous avait chargée hier.
– D'aucune ; c'était pour faire partir le comte, ce qu'elle
disait, mais elle m'en a chargée d'une pour aujourd'hui, et c'est la
réponse que je lui apporte ce soir.
En ce moment, Marguerite sortit de son cabinet de toilette,
coquettement coiffée de son bonnet de nuit orné de touffes de
rubans jaunes, appelées techniquement des choux.
Elle était ravissante ainsi.
Elle avait ses pieds nus dans des pantoufles de satin, et
achevait la toilette de ses ongles.
– Eh bien, dit-elle en voyant Prudence, avez-vous vu le duc ?
– Parbleu !
– Et que vous a-t-il dit ?
– Il m'a donné.
– Combien ?
– Six mille.
– Vous les avez ?
– Oui.
– A-t-il eu l'air contrarié ?
– Non.
– Pauvre homme !
Ce pauvre homme ! fut dit d'un ton impossible à rendre.
Marguerite prit les six billets de mille francs.
– Il était temps, dit-elle. Ma chère Prudence, avez-vous
besoin d'argent ?
– Vous savez, mon enfant, que c'est dans deux jours le 15, si
vous pouviez me prêter trois ou quatre cents francs, vous me
rendriez service.
– Envoyez demain matin, il est trop tard pour faire changer.
– N'oubliez pas.
– Soyez tranquille. Soupez-vous avec nous ?
– Non, Charles m'attend chez moi.
– Vous en êtes donc toujours folle ?
– Toquée, ma chère ! À demain. Adieu, Armand.
Madame Duvernoy sortit.
Marguerite ouvrit son étagère et jeta dedans les billets de
banque.
– Vous permettez que je me couche ! dit-elle en souriant et en
se dirigeant vers son lit.
– Non seulement je vous le permets, mais encore je vous en
prie.
Elle rejeta sur le pied de son lit la guipure qui le couvrait et se
coucha.
– Maintenant, dit-elle, venez vous asseoir près de moi et
causons.
Prudence avait raison : la réponse qu'elle avait apportée à
Marguerite l'égayait.
– Vous me pardonnez ma mauvaise humeur de ce soir ? me
dit-elle en me prenant la main.
– Je suis prêt à vous en pardonner bien d'autres.
– Et vous m'aimez ?
– À en devenir fou.
– Malgré mon mauvais caractère ?
– Malgré tout.
– Vous me le jurez !
– Oui, lui dis-je tout bas.
Nanine entra alors portant des assiettes, un poulet froid, une
bouteille de bordeaux, des fraises et deux couverts.
– Je ne vous ai pas fait faire du punch, dit Nanine, le
bordeaux est meilleur pour vous. N'est-ce pas, monsieur ?
– Certainement, répondis-je, tout ému encore des dernières
paroles de Marguerite et les yeux ardemment fixés sur elle.
– Bien, dit-elle, mets tout cela sur la petite table, approche-la
du lit ; nous nous servirons nous-mêmes. Voilà trois nuits que tu
passes, tu dois avoir envie de dormir, va te coucher ; je n'ai plus
besoin de rien.
– Faut-il fermer la porte à double tour ?
– Je le crois bien ! Et surtout dis qu'on ne laisse entrer
personne demain avant midi.

Source: http://www.ebooksgratuits.com

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