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PAIRE 21

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Note :
Longtemps écrivain de tiroir, g@rp éclot sur Internet il y a trois ans.
Son nom apparaît dans les remerciements du traducteur des « Lettres de Pelafina » (Denoël), il mûrit ensuite sur Darbraleph.org où ses nouvelles sont publiées en ligne, au coeur d'un véritable labyrinthe à vocation ludique et artistique, dont il réalise par ailleurs l'index. En juillet 2004, « 6H50 corniche Kennedy » est sélectionnée à l'occasion du concours « Nouvelles sur la ville » par la rédaction du quotidien 20minutes, qui la publie à raison d'un chapitre par jour. Depuis, le nombre et la diversité de ses lecteurs, tout autant que l'accueil enthousiaste réservé à ses écrits, ne cessent de le surprendre et de l'encourager. " Kaléidoscope" est son premier recueil de nouvelles.
« Le style "g@rp" gage d'une belle qualité d'écriture avec ce mélange de légèreté et de profondeur très personnel » - F Baure.

Nouvelle - juin 2004




Texte ou Biographie de l'auteur

G@rp
Paire 21


Il avait une dizaine d'années, encore qu'il fût difficile de lui donner un âge – il n'en avait pas besoin et vous le rendait aussitôt avec un sourire, en penchant la tête :
« Merci bien, mais j'ai déjà tout ce qu'il me faut. »
Sa petite voix flûtée vous tombait dessus tandis que son regard filait au-dessus de votre tête, en un silencieux vol plané, pour aller pirouetter au loin, dans le ciel, slalomer entre les rayons du soleil, en compagnie des mouettes.
Du haut de son escalier il regardait la mer dans l'espoir qu'elle le remarque, lui fasse un signe, un clin d'œil, en sorte, qui scellerait à jamais leur complicité.
La première marche de l'escalier était son fief, son fief était de l'escalier la plus haute marche. Cela dépendait de l'endroit de la rue d'où on le découvrait soudain, tout le quartier vous l'aurait dit – « C'est une question de perspective » – en articulant nettement chaque syllabe. Soit vous descendiez vers la mer et aperceviez l'enfant de dos, soit vous remontiez du port et c'était l'inverse. A moins qu'il ne s'agisse du contraire… De même, ceux du haut du quartier lui trouvaient un air plus triste, plus renfermé que les habitants de ce qu'ici on appelle « la ville basse », les plus proches de la mer. Probablement une autre question de
« pers-pec-tive. »
Du haut de son escalier il continuait à fixer la mer, ignorant ce qui se passait dans son dos ou quelques marches plus bas. Il quittait sa place sur le coup de midi qui ne lui avait jamais fait le moindre mal – tout maigrichon qu'il était, rien ne semblait pouvoir l'atteindre : ni coup de midi, ni coup de vent, ni coup d'œil. Il mangeait ensuite un morceau sur le pouce. Cela se savait aussi dans le quartier, à tel point que certains se demandaient à quoi pouvaient bien lui servir ses autres doigts.
Une fois son repas avalé, il fonçait coudes au corps réinvestir sa place attitrée, jusqu'au soir.
Coudes au corps…
Dans la mémoire collective, il avait toujours été assis là, sur cette marche d'escalier. Personne ne savait ce qu'il y affectionnait. D'aucuns soutiennent que personne n'osa jamais lui poser la question ; pour d'autres, personne n'eut besoin d'être soutenu pour lui poser cette question, à laquelle il avait répondu de son sourire offert tête penchée.
L'été venu, de toutes les curiosités que les touristes photographiaient, le gamin dans l'escalier était sans nul doute la plus célèbre : image multiple véhiculée en bandoulière par le monde entier, nichée dans l'obscurité de centaines de pellicules à développer. Lui, n'avait pas besoin de voyager pour voyager.
Il était bien plus loin de son escalier que sa silhouette assise là ne le laissait supposer.
Ailleurs.
Dans le ciel. Slalomant entre les rayons du soleil.
En compagnie des mouettes.
Survolant la mer.
Depuis le haut de son escalier.
Perpétuel rêveur.
Rêveur à perpétuité pour un simple chromosome surnuméraire.
Sur la paire 21.


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