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LE TéMOIN DE L'AUBE

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Eleken Traski:
Né dans un coin perdu de France, élevé dans un désert appelé Diois, la ferme de ses parents, entre les divers travaux, lui a donné l'opportunité de marcher au soleil, d'écouter les oiseaux et de rire de la caresse du vent. C'est dans ce milieu qu'il a commencé à dessiner, puis à écrire. « Je suis, dit-il, un grand fan de science-fiction, d'horreur et de thriller et cela se retrouve bien au sein de mes écrits, rarement achevés, et de mon univers souvent peuplé de monstres - et de malades mentaux - sous une couleur triste et dérangeante. »

Vous pouvez retrouver le reste de mes nouvelles, poèmes et autres textes sur www.okedomia.com





Texte ou Biographie de l'auteur

Eleken Traski

« Le soir, dans l'obscurité de ma chambre,
je souffre de ce vide que tu as laissé »

Ils existent.



Je n'aurais pas voulu y croire, mais maintenant que je l'ai vu, je ne peux que gémir de ma connaissance. Ce que je vais vous raconter personne d'autre ne l'a cru et vous n'y croirez sans doute non plus, mais tant pis, il faut que je l'écrive, que je raconte ce que j'ai vécu. Il faut que je mette en garde la planète contre ce fléau qui se répand et qui va nous détruire.

Mais je ne peux pas vous le dire comme cela. De but en blanc, vous ne comprendriez pas, vous ne me croiriez pas, vous préféreriez penser que je suis fou, un quelconque malade plutôt que de donner du crédit à ce que je pense. C'est pour cela qu'il faut que je commence par le début, il y a six jours de cela. Il y a six jours, j'appartenais à l'humanité.



Je suis médecin légiste… Ou plutôt, j'étais médecin, aujourd'hui je suis un mourant. Il y a six jours, nous étions mardi et comme tous les mardis je me sens fatigué, la semaine vient de commencer et la fin n'est encore que trop loin. Je n'en prends pas moins un immense plaisir à venir travailler. J'aime mon travail car il me permet de m'échapper de la réalité. Ma vie personnelle est un échec cuisant, je suis marié depuis huit ans. Et depuis quatre, je n'ai pas couché avec ma femme. Elle va voir ailleurs je le sais, je l'ai suivi une fois… J'aurais aimé la quitter, avoir le courage d'affronter la solitude, d'affronter une rupture, un divorce… Mais j'ai toujours été lâche, alors je subis.

De toute façon, cela n'a plus d'importance, elle est morte maintenant… Et la tuer fût beaucoup plus simple que de lui demander le divorce.

Je revois la scène, encore et encore la nuit dans mes cauchemars. Roger Dubois pénètre dans la salle, suivit d'un jeune agent qui pousse une table sur laquelle repose un sac mortuaire. Il me salue de la main, et me demande si je vais bien. Je lui réponds que oui, nous parlons quelques minutes du dernier match de la saison en cours. Ce n'est pas la première fois que Roger m'amène un corps, c'est - je crois - le neuvième en tout. Une dernière blague entre hommes, son collègue sourit, mais paraît un peu gêné. C'était probablement son premier macchabée… Il s'habituera vite, on s'habitue toujours trop vite à la mort. La porte se ferme, ils sont partis.

Le corps reste là sur la table - il ne peut pas faire grand-chose me diriez-vous par lui-même, et vous auriez raison - pendant que je finis de remplir quelques papiers et que je classe les analyses d'un client de la veille. Il sera mon premier client de la journée, il est aussi le dernier de ma carrière. Je m'approche tranquillement de l'étagère et enclenche le lecteur CD. Immédiatement la douce musique de Saint-Saëns empli la salle et le lion commence sa danse. Je me dirige avec la même nonchalance vers le corps et tire le chariot afin de faire passer le sac sur la table d'autopsie. Quand on pratique depuis tant d'années ce métier, la mort n'est plus qu'une partie de votre vie, ce corps n'était pour moi qu'un bifteck de plus sur lequel j'allais faire mes quelques prélèvements et confirmer la cause la mort. Rien ne pouvait me préparer à ce qui allait suivre.
J'enfile d'un geste mécanique et presque sans m'en rendre compte mes gants de latex et mon masque. Dans le sac, le client à l'air corpulent. Je consulte sa fiche, « Richard Degache ». Je me dis que le pauvre gars, avec un nom pareil, n'a pas dû avoir une scolarité facile. La cause de la mort contient la mention de toutes les promesses, celle qui normalement me donne une once d'amusement dans la journée, N.C. pour « non connue ». Je souris, tout le monde apprécie un peu de changement dans son train-train. Malgré mon excitation naissante, je dois me montrer prudent dans mes manipulations, ne pas me blesser. Le client aurait pu être empoissonné et constituer alors un danger potentiel si le poison se trouvait encore dans son sang. Autre avantage d'être un N.C., normalement le corps ne sent pas et il n'est pas gravement mutilé. En bref, il n'a aucune raison de me couper l'appétit pour mon déjeuner de tout à l'heure et donc, sans plus de précaution - un macchabée ne vous saute pas dessus quand vous ouvrez le sac - je remonte la fermeture éclair. Je pense qu'il a la tête à porter un costard cravate très cher. Bien nourri, une bonne manucure, il ne laisse sans doute pas sa famille sans moyen. Il a la tête du monsieur « j'ai un gros compte en banque et une assurance-vie qui va avec ». Je fais le tour rapidement, pas d'impact de balle visible, pas d'hématome apparent sur le thorax ou sur les membres. Je le débarrasse de son sac - ce qui est toujours amusant, surtout quand le client fait au bas mot cent kilo - que je dépose sur le chariot, à son tour prestement repoussé contre le mur. Je continu mon analyse préliminaire. Des détails comme ça qui vous marque, il est 11h07, je l'annonce à haute voix, ainsi que le nom du client et une description sommaire, pour l'enregistrement sonore qui me servira à faire mon compte-rendu.
Je me demande ce que penserait un homme, qui ne connaîtrait pas mon métier, s'il me voyait dans cette pièce, tournant autour d'un corps, parlant tout seul sur de la musique classique - le cygne bat des ailes - sous un éclairage qui donne à la pièce un air de supermarché, rayon salade et fruit. Je me dis qu'il a sans doute fait une attaque foudroyante avec une surcharge pondérale comme celle-là. Je soulève ses paupières, ce que j'y vois me fais faire la moue. Il a les yeux presque noirs, inondés de sang, la pupille dilatée au-delà de que vous pouvez concevoir. Le sang n'a pas perlé, il est prisonnier sous la conjonctive. Je suis dubitatif, cela me plaît, je commence à trouver ce client excitant. Je soulève son autre paupière, l'œil gauche est dans le même état, quoique qu'un peu moins défiguré. Je privilégie désormais la piste d'une forme d'attaque cérébrale, peut-être un anévrisme ayant provoqué une crise d'épilepsie d'une rare violence, ayant fait sauter les capillaires de ses yeux. Je décide à ce moment-là que sa tête aura mes faveurs, mais pour finir le travail, je fais le reste des vérifications de routine. Excepté les piqûres récentes sur le thorax dû a, semble-t-il, une injection d'adrénaline, il ne porte aucune trace laissant penser à une quelconque prise de drogue.

J'ai une préférence pour sa tête, mais je respecte le protocole, je pratique en premier lieu la fameuse incision en Y qui orne le poitrail de tant d'acteurs dans les films de morts vivants. Un peu de sang s'écoule, rien d'anormal à ceci. Cela me fait penser qu'il y a une sorte de mythe urbain selon lequel des personnes auraient pu se faire autopsier vivantes suite à l'injection d'un neuroparalysant quelconque… À moins de tomber sur le dernier des étudiants en médecine, tous nous savons reconnaître du sang qui s'écoule du sang qui est pulsé par un cœur.
Une fois mort, le corps n'est plus qu'une sorte de grosse barrique, un récipient. Le sang ne s'écoulera que vers le bas. Alors que vivant, la moindre blessure provoque une fontaine écarlate car il est sous pression. Enfin je reviens à ce que je disais, j'ouvre donc son thorax, les poumons ont l'air sains, non-fumeur, ils ne contiennent pas de liquide. Le cœur ne présente aucune trace d'infarctus, le foie quoiqu'un peu volumineux - un diabétique peut-être, je me note oralement de le vérifier - est normal. Je pèse chacun des organes et vérifie sous la lumière qu'ils sont bien sains comme ma première impression me l'a laissé supposer. Une fois l'abdomen vidé, j'ai la certitude que la cause du décès ne vient pas de là. Non, le problème venait vraisemblablement de la tête, j'en avais maintenant l'intime conviction.

Il n'est pas trop tard, je me dis que si je m'y mets immédiatement, le travail sera bien terminé à midi. J'irais manger un morceau à « L'imprévu », le meilleur bar-restaurant du quartier, j'ai une envie de pâtes à la crème, accompagné d'une bonne bière fraîche, suivit d'un tiramisu. La scie circulaire, je la fais miroiter devant mes yeux, curieusement pensif. Je suis parcouru d'un frisson que je ne comprends pas. Je m'ordonne de me concentrer et je commence la découpe. C'est un bruit horrible que celui d'un crâne que l'on découpe. La scie vibre, les vibrations se transmettent à travers le crâne dans la table. Quelques gouttes de sang, déjà coagulées, éclaboussent mon tablier. Je scalpe complètement le corps, un sillon sanglant fait désormais le tour de sa tête. Je pose l'instrument, je place ma main sur la partie supérieure et commence à exercer une pression afin de la séparer du reste du corps… Légère résistance… Bruit de succion… Odeur acide et forte… Voilà qui n'est pas normal, il n'y a pas cette odeur classique de liquide céphalique semi visqueux… Non ici, c'est un rance monstrueux.
J'en lâche le morceau d'os qui frappe avec force l'acier inoxydable de la table. Je me redresse, en agitant une main maladroite devant moi. Ce que j'ai vu à ce moment était bien plus horrible que tout ce que j'avais jamais vu en ce lieu. Le cerveau avait une couleur violette et semblait en état de décomposition déjà très avancée.

Je réprimais un violent haut le corps, au point de sentir le goût acide de la bile remonter de mon estomac. Dieu merci, je ne mange pas beaucoup le matin. À bien y regarder, le cerveau est encore plus horrible, une couleur grise violette, perforé d'une multitude de sombres trous de la taille de pièce de cinq centimes. L'odeur me semble encore plus forte. Aigre, acide. Mais curieusement plus supportable… Ce n'est plus la bouffé agressive du début, mais une odeur mélangée avec l'air environnant. Je m'approche un peu… Un souvenir lointain s'impose soudain à ma vue. Curieux en ce moment, je songe à un dimanche de mes dix ans. À cette époque j'étais enfant de choeur, mes parents très catholiques m'avaient donné une éducation religieuse stricte. Je revois au milieu d'un cantique le regard appuyé du curé sur les jeunes enfants du chœur. Quelques années plus tard, j'ai découvert qu'il avait été arrêté pour viol sur mineur. Heureusement pour moi, je n'ai jamais rien subit de sa part.

L'éléphant entame sa lourde danse. Je me demande ce qui a pu provoquer de telles altérations du tissu. Si je m'en étais douté une seule seconde, j'aurais fui ce lieu, mon cœur battant à tout rompre, sans me retourner. Je me saisis d'une petite pince dont je me sers pour tâter la surface de l'organe détruit. La pointe s'enfonce dans la chair putride avec une horrible facilité, et je ne peux réprimer un profond dégoût… Ma sueur froide coule dans le dos, je frissonne.
Je suis pris d'une peur suffocante que je ne peux comprendre sur le moment et qui m'aurait fait hésiter dans toute autre situation. Seulement le macabre spectacle m'a rendu fébrile, mes jambes tremblent et pourtant je ne peux pas détourner mon regard… Ou encore m'éloigner.

Je me répète encore une fois qu'aucun être humain n'aurait pu survivre avec un cerveau dans cet état et que le cerveau lui-même n'a pas pu se dégrader dans ces proportions au cours des quelques heures qui viennent de s'écouler. Mes pensées s'emballent, chevrotent, se répètent, s'emmêlent, se balancent. Mon esprit, mon esprit. Mon esprit passe à côté de la folie en cherchant des réponses à mes folles questions, je suis à peine conscient de la pièce, de la musique. Seul m'apparaît, me transperce l'image terrifiante de l'objet de l'esprit que je contemple, l'odeur me frappe à nouveau, l'image m'aveugle encore… À ce moment je ne contrôle plus assez ma vessie et quelques gouttes chaudes d'urine coulent dans mon caleçon, traverse le tissu, et coule en suivant la pente de mes jambes.

Cette moiteur me réveille soudainement, me calme. Je resserre ma prise sur la pince et part à l'exploration de la cavité la plus importante. Un, deux, trois, quatre, cinq, six centimètres sans effort avant de rencontrer l'objet qui arrête mon écœurante progression. Je ramène la lumière dans cet axe afin de tenter d'identifier cette zone plus résistante. Je chasse quelques gouttes de sueur qui perlent sur mes yeux. Malgré la puissance lumineuse mise en œuvre, il m'est impossible sur l'instant de comprendre ce que je regarde. Ma seule certitude en cet instant que qu'elle n'est pas partie intégrante de l'organe, que c'est un corps étranger dans ce corps d'étranger.
J'écarte un peu plus les bras de ma pince pour mon emparer. Je repousse les parois putrides, avance mon outil et resserre. Je tire, et sans la moindre résistance, retire cette petite boule noire d'un peu plus d'un centimètre de large. Hérissé de petits pics, il m'apparaît comme l'évidence que cette chose est organique… et son immobilité me rassure. Vraisemblablement morte. Vraisemblablement inoffensive. Vraisemblablement.



Pourquoi ? Pourquoi n'avais-je pas fui ? Pourquoi cet immonde parasite éveillait-il en moi tellement d'intérêt au point de me faire oublier temporairement ma répulsion pour ce spectacle qu'il avait semble-t-il provoqué. Pourquoi ? Aujourd'hui je ne me l'explique que comme de la perversion, la soif de savoir qui habite chaque humain. J'étais face à quelque chose d'inconnu… Qui me dépassait, mystérieuse, létale.

Là ! Pince ! Mandibule ! pattes ! Tout s'agite, se détend, s'étend. De piège, ma pince, devient une tige. Une passerelle. La ligne maligne. La tige ignoble. Vivante. Mobile. Remonte sur le métal, se contorsionne et… Ses pattes, ses pattes se posent, s'accrochent au latex de mes gants. Je la sens sur ma peau. J'entends mon propre hurlement de peur. Mon corps réagit plus vite que mon esprit. J'agite le bras, je lâche la pince. Cette chose passe dans ma manche, remonte vers ma tête. Je frappe mon bras de toutes mes forces. Mais rien ne semble l'arrêter. Elle arrive à mon cou. Je tente de la saisir. Mais rien n'y fait, elle glisse. Ma main. La chose. Passe derrière ma tête, remonte à la base de mon crâne le long de ma colonne. Et la douleur. À la base de mon crâne.
Elle a planté ses crocs, déchirant ma peau. Elle se fraye un passage à travers ma chair. Au travers les muscles et tendons de ma nuque. Cette chose. Cette douleur. Je me roule par terre. Je hurle. Je suis aveugle. Je suis sourd. Je sens la chose qui fouisse dans ma tête, ramper sous ma boîte crânienne. La vision effrayante des autres enfants de choeur et du prêtre souriant emplit mon esprit. Je vois le pédophile se pencher sur moi, souriant à pleine dent. Dents qu'il a pointue et terrifiante. Je hurle de ma voix d'enfant. Je hurle de ma voix d'homme. Mes jambes frappent le carrelage du sol. Je perds connaissance.



Me voilà à vous raconter cela. Je parle de cela. Je prends le temps d'en parler. Mais mon temps est compté. Cette chose qui me manipule. Qui exerce sur moi sa sordide pensée n'est pas encore pleinement maîtresse de mes actes. Et je compte bien utiliser les dernières ressources qu'il me laisse pour appuyer sur la détente de cette arme que je pointe sur ma tête. Mais encore quelques minutes. Il me faut finir mon récit. Il faut que je vous révèle ce que j'ai découvert. Que vous compreniez que cet événement, ce cauchemar que je vis, n'est pas un cas isolé. Que les Hemicrania - comme je les ai nommés - ont commencé leur invasion et que bientôt, si nous ne les arrêtons pas, ces choses, amorales et sadiques, domineront notre espèce et nous reléguerons au rang de nourriture. Ces choses, elles pénètrent dans nos têtes et prennent le contrôle de notre âme. Elles vous forcent à commettre des choses horribles, à vous mutiler et à tuer. Je crois qu'elles se nourrissent de notre violence, elles sucent nos pensées morbides, extraient nos pulsions violentes et vous forcent à exprimer votre perversion de la pire manière qui soit.
Si vous tentez de leur résister elles vous imposent de terribles migraines, alors vous suivez leurs actes presque avec plaisir. Mais j'ai trouvé un moyen, l'alcool, de lutter contre cette chose en moi. Je viens de boire la moitié d'une bouteille de vodka, de l'Eristoff, mais ça n'a aucune importance. Apparemment la créature subit plus encore l'effet de l'alcool que moi. Elle peut moins facilement se connecter à mon esprit, elle n'a plus l'emprise qu'elle avait, la migraine est faible en comparaison de ce qu'elle me fait subir normalement. Grâce à cela, je peux vous révéler mon récent calvaire, enfin de ce que me rappel. Grâce à cela je vais pouvoir mettre fin à mon cauchemar quand j'aurais terminé mon témoignage.



Je ne me rappelle pas de tout ce qui s'est passé ces derniers jours car, quand la chose me possède, je vis comme dans un cauchemar, mes pas ne sont plus mes pas et mon corps est guidé par autre chose que mon esprit. Et pourtant, c'est bien mon esprit qui commande, mais mon esprit est lui-même soumis à la volonté d'une entité supérieure. Étrangement, la communication va dans les deux sens et pendant que la chose contrôle mon esprit, j'ai accès au sien. J'ai passé de longs moments à l'explorer, à essayer de le comprendre. La pensée de cette chose est étonnement complexe, elle est intelligente, bien qu'elle soit manifestement primitive. Elle m'a donné l'impression d'être éternelle, d'avoir des millions d'années. Maintenant que je crois avoir compris quelque chose d'important, cela s'explique. La créature qui se love dans ma tête n'est pas une entité entière, mais la partie d'un tout, d'un collectif. Ce que j'ai perçu durant ma possession est, je pense, un flux constant de communication psychique entre toutes ces créatures.
Oui, j'ai la conviction intime qu'elles sont très nombreuses, et qu'elles ont déjà commencé à nous déposséder de notre conscience. Je ne sais pas où en est cette attaque, mais je sais, à la nature de ces choses, que la finalité est l'asservissement de l'humanité. J'ai aussi compris que mon interface avec ce parasite était particulière, j'ai conscience d'être parasité. Un parasitage imparfait. Je crois que c'est parce que la chose qui m'a attaqué était déjà mature lorsque qu'elle m'a pénétré, que son lien psychique ne peut pas être complet car mieux adapté à son ancien hôte. Et peut-être aussi que l'ayant vu, je sais qu'elle existe, ce qui peut créer un blocage au niveau de mon esprit. Elle ne peut effacer le souvenir que j'en ai.

J'aimerais avoir le temps de vous raconter ce qui s'est passé durant ses derniers jours, comment j'ai essayé d'en parler à mon ex-femme alors que j'avais endormi cette chose. Malheureusement elle a pris mes propos pour de la divagation d'alcoolique. Elle m'a rejeté, repoussé hors de mon appartement en me hurlant d'aller dessaouler dans la rue. Je ne peux pas non plus vous raconter comment une heure plus tard, quand les effets de l'alcool ont diminué, je suis revenu chez moi. Comment ce corps dont je n'avais plus la maîtrise à frapper ma femme. Je me rappelle le bruit sec qu'a fait sa nuque en se brisant. Je me rappelle le bruit sourd que faisait sa tête lorsque je la frappais contre le mur. Je me rappelle sa respiration courte et chevrotante, son regard suppliant, pendant que je la violais tout en l'étranglant. Je me rappelle l'odeur du sang et de la sueur. La sensation de son sang giclant entre mes doigts, se répandant sur mon corps. Le contact de sa chair contre la mienne.
Je me rappelle aussi ma fascination durant tout cela, mon esprit divaguant dans le collectif de ces créatures, s'attardant sur des reflets et des couleurs, mais incapable d'interpréter humainement le crime qui se commettait. J'étais nous l'effet de l'extase, tout comme ces créatures, j'en suis maintenant persuadé, sont sous l'effet de cette même extase durant ces actes de violence ignobles. Elles se gorgent de cette violence. C'est pour elles l'équivalent de l'orgasme que de tuer et détruire.



Mais le temps me manque cruellement. Je commence à ressentir ce léger fourmillement dans mes tempes et dans l'extrémité de mes doigts me signalant l'imminence du réveil de la chose qui dévore mon esprit. Pour moi l'heure est venue. Je regrette de n'avoir pas trouvé la force de passer à l'acte avant ce jour. Cela aurait sauvé quatre vies. Dieu nous vienne en aide. Je vous en supplie, ne me croyez pas fou. Quand vous trouverez mon corps, dans les lambeaux de mon cerveau déchiqueté par la balle que je lui destine, vous trouverez les restes de cette créature. Je ne pense pas qu'elle survive à la balle, mais si par malheur elle survivait, intacte, faites très attention. Prenez toutes les précautions possibles lors de mon autopsie.



Je m'excuse.


Ce témoignage a été retranscrit à partir de feuilles manuscrites découvertes dans l'appartement de Julien Fariat à côté du corps de celui-ci. Il a été vraisemblablement battu à mort avec une chaise. Des morsures laissent apparaître un acte de cannibalisme post-mortem.

L'auteur présumé de ce texte, le docteur Thomas Broza a été abattu par la police à trente deux kilomètres de ce lieu, quelques heures seulement après son crime présumé. L'autopsie pratiquée par le département G a laissé apparaître la présence effective d'un xénoparasitisme partiel du sujet.



Département E, docteur Antonin Guilbeau

Pièce 823-B-14.a



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